Quel que soit le sujet abordé, les textes complotistes font référence à un plus grand nombre de thèmes et sont moins cohérents que les écrits non complotistes. C’est le résultat de la plus grande comparaison jamais réalisée entre des textes soutenant ces théories et des écrits non complotistes, soit 96'000 articles analysés au total. Signée par des chercheurs des universités de Neuchâtel et de Warwick (UK), cette étude vient d’être publiée dans la revue de référence Science Advances.
Premier auteur de la recherche, Alessandro Miani est doctorant à l’Institut de psychologie du travail et des organisations (IPTO) de l’Université de Neuchâtel. «L’étude visait à comparer le langage utilisé dans le traitement d’événements sujets à controverse (pandémie de COVID-19, 11 septembre, assassinat de JFK, etc.). Nous avons créé et analysé un corpus composé de 72’000 articles reflétant une vision communément admise et de près de 24'000 articles identifiés comme complotistes, soit un total d’environ 96'000 textes», indique le chercheur.
Sous la direction d’Adrian Bangerter, professeur à l’IPTO, et du professeur Thomas Hills de l'Université de Warwick, Alessandro Miani a mis en évidence que les textes complotistes s’appuyaient sur d'autres théories du complot pour « prouver » leurs dires, au travers d’un réseau d'idées interconnectées pour relier les arguments entre eux, mais en sautant d'un sujet à l'autre, de manière moins cohérente que dans un récit usuel.
À titre d'exemple, les théories du complot entourant la pandémie de COVID-19 sont souvent associées à d'autres théories du complot, notamment celles relatives à la technologie 5G, à Bill Gates et aux entreprises pharmaceutiques. «Cela conforte l'idée d'une "vision du monde conspirationniste", à savoir que ceux qui sont enclins à croire à une conspiration particulière sont susceptibles de croire à beaucoup d'autres et à les utiliser comme preuves pour étayer leurs arguments», indiquent les chercheurs.
La présente recherche est en accord avec d’autres travaux mettant en évidence les contradictions du complotisme. Prônant un débat ouvert sur des sujets à controverse, comme le fait que la mort de la princesse Diana a été soit simulée, soit provoquée par des gens de son entourage, les complotistes ont tendance à accepter des arguments contradictoires, tant qu’ils s’opposent à des récits traditionnels, à savoir que cette mort résulte simplement d’un accident tragique.
«Nos travaux associent les sciences informatiques à la recherche psychologique pour faire avancer la recherche sur la désinformation. Alors que, traditionnellement, la détection des fausses nouvelles et des théories du complot repose sur la vérification des faits par des humains, nos travaux contribuent au développement d'algorithmes automatiques de détection des fausses informations», indique l'équipe de Neuchâtel et de Warwick.
«La compréhension du fonctionnement psychologique sous-jacent des complotistes, de la manière dont les théories du complot se forment et se propagent, permet de développer des interventions ciblées, afin de limiter leur propagation. Notre travail s'inscrit dans un effort collectif visant à limiter les conséquences négatives de la désinformation, qui vont de la résistance à la vaccination à l'érosion des normes démocratiques», concluent les chercheurs.
Références bibliographiques
Miani, A., Hills, T., & Bangerter, A. (2022). Interconnectedness and (in)coherence as a signature of conspiracy worldviews. Science Advances, 8(43). https://doi.org/10.1126/sciadv.abq3668