Référence bibliographique
Marion de Vevey & Klaus Zuberbühler, Esprits en continu / Définition de l’Homme par l’exploration de recherches en primatologie, in Psychanalyse et esprit du temps, sous la direction d’Andreas Saurer, Editions Ithaque, 184 pages, 2020.
https://www.ithaque-editions.com/product-page/psychanalyse-et-esprit-du-temps
Réunissant sept contributions d’auteur-e-s de différents pays et courants de pensée, Psychanalyse et esprit du temps discute l’articulation entre psychanalyse et culture. Les primatologues Marion de Vevey et Klaus Zuberbühler signent le premier chapitre de cet ouvrage collectif pour tenter une définition de l’Homme à la lumière des derniers travaux sur les primates non-humains. Extraits.
«Il y a environ six millions d’années, en Afrique, vivaient nos ancêtres, qui étaient aussi ceux des bonobos et des chimpanzés. C’est alors que des changements climatiques ont créé une séparation entre ceux qui deviendront les êtres humains et ceux qui aujourd’hui sont les chimpanzés et les bonobos. (...) Petit à petit, l’Homme s’est séparé́ des autres primates pour devenir un animal qui construit des villes, étudie la science, joue à des jeux vidéo et se démarque. Il se démarque tant et si bien qu’il a du mal à se considérer comme un primate ou même une espèce animale. (...)
«C’est l’Homme qui a écrit les livres de son histoire, mais aussi celle des plantes, des animaux et de son imaginaire. Ce n’est donc pas étonnant que cette histoire ait été étirée par la conception égocentrique de ce primate, le plaçant au centre de l’univers et en haut de l’arbre du vivant. Puis, la science en a décidé́ autrement et a décentré l’Homme, le plaçant dans un univers qui se fiche bien de savoir si les hommes sont là pour l’observer, et dans un arbre phylogénétique qui n’est pas davantage préoccupé si une branche de plus est ajoutée ou enlevée à son florissant feuillage.
«Et pourtant, en dépit des découvertes scientifiques, nous avons de la peine à concevoir que nous ne sommes qu’une espèce parmi d’autres, car nous sommes différents. A commencer par notre succès biologique : nous sommes près de 7,8 milliards d’habitants, alors que nos plus proches cousins encore en vie, les chimpanzés, ne sont que 200 000 sur cette planète. Nous avons colonisé la Terre entière, et même son atmosphère, sa lune et son système solaire. Il y a bien quelque chose de différent chez nous qui nous pousse à colorier en rouge cette petite ligne de cet arbre de la vie qui représente Homo sapiens.
«Alors que s’est-il passé entre six milliards d’années en arrière et aujourd’hui ? Qu’est-ce qui a rendu notre empreinte digne d’être qualifiée comme sortant de l’ordinaire ? Le sommes-nous vraiment, extraordinaires ?
Biographies express
Marion de Vevey est psychologue, titulaire d’un master en sciences cognitives au laboratoire de cognition comparée dirigé par le Prof. Zuberbühler, à Neuchâtel (Suisse). Ses recherches portent sur l’impact du réseau social sur les états internes des chimpanzés sauvages, dans la forêt de Budongo en Ouganda. Journaliste scientifique, elle écrit notamment pour le magazine Sciences et Avenir.
Klaus Zuberbühler, zoologue et anthropologue, a été chercheur au département de Psychologie comparée du Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology, professeur en psychologie à l’Université de St Andrews et professeur en biologie à l’Université de Neuchâtel. Il est directeur scientifique de la Budongo Conservation Field Station en Ouganda, codirecteur du Taï Monkey Project en Côte d’Ivoire, et directeur adjoint du Pôle de recherche national (NCCR) «Evolving Language».