Mauvaise nouvelle pour l’agriculture suisse : plusieurs espèces d’insectes ravageurs trouveraient un avantage si le climat continue à se réchauffer. C’est l’un des résultats du géographe Léonard Schneider, doctorant à la chaire conjointe de climatologie appliquée de l’Université de Neuchâtel et de l’Institut fédéral de recherches WSL. Son doctorat vise à modéliser l’impact du réchauffement global en Suisse sur les ravageurs. Il a soutenu publiquement sa thèse le 12 mai dernier.
C’est la première fois qu’une étude part de données climatiques, essentiellement des relevés de températures, pour les mettre en relation avec la reproduction des insectes ravageurs en Suisse. Dans cette étude, Léonard Schneider et ses collègues ont regardé si des changements dans les températures journalières pouvaient favoriser la reproduction de certaines espèces de ravageurs.
Et c’est effectivement le cas, porté par des hivers globalement plus doux, et par des saisons de développement plus longues et plus chaudes. « C’est particulièrement frappant chez les ravageurs dont le cycle annuel de reproduction comprend plusieurs générations, comme celui de la pyrale du buis ou l’eudémis viticole, ou encore celui du carpocapse du pommier, illustre Léonard Schneider. Une saison de développement plus chaude favorise par exemple l’émergence d’une génération de plus par an. »
Pour établir les modèles prédictifs de cette évolution, Léonard Schneider a pris en considération la température journalière moyenne de la saison de développement de ces insectes. De ce facteur qui va d’avril à septembre dépend l’apparition ou non d’une génération supplémentaire.
« Pour cela, détaille le chercheur, nous avons rassemblé des données de température moyenne journalière sur les quarante dernières années (de 1980 à 2021) et provenant de 67 stations de mesure de MétéoSuisse situées entre 200 et 2300 mètres d’altitude. Nous avons ensuite utilisé deux scénarios climatiques, prévoyant des augmentations différentes de gaz à effet de serre dans l’atmosphère ces prochaines années, pour en déduire la température moyenne journalière de 2022 à 2099. »
Les deux scénarios entraînent l’apparition d’une ou plusieurs générations supplémentaires par an de ces insectes, mais les conséquences seront nettement moins graves avec des émissions plus faibles de CO
2. D’autres espèces de ravageurs pourraient également passer l’hiver plus facilement, poursuit le chercheur qui a travaillé sous la supervision de la professeure de climatologie Martine Rebetez. On pense à la processionnaire du pin (
Thaumetopoea pityocampa) et au puceron vert de l'épicéa (
Elatobium abietinum), ainsi qu'à certains ravageurs des cultures, comme la punaise verte du soja (
Nezara viridula).
Les modèles montrent que d’ici la fin du XXIe siècle, les futures conditions de température favorisent certains ravageurs des cultures, en leur permettant d'hiverner plus facilement sur le Plateau suisse, ainsi que certains ravageurs des forêts, qui atteindront probablement des altitudes plus élevées.
Références scientifiques :
"The effect of climate change on invasive crop pests across biomes",
Current Opinion in Insect Science, 2022
"Increasingly favourable winter temperature conditions for major crop and forest insect pest species in Switzerland",
Agricultural and Forest Meteorology 2021
“Temperatures during the development season are increasingly favourable for polyvoltine pest species in Switzerland”,
Agricultural and Forest Meteorology, 2023 (sous presse)