A la une 3, janvier 2023
En même temps qu’elle sépare, la frontière franco-suisse de l’Arc jurassien a révélé au fil des ans un troisième territoire marqué par une identité propre, avec son histoire, son patrimoine naturel et culturel ou l’intensité de ses échanges socio-économiques. Cette réalité, visible dans le flux croissant des frontalières et frontaliers, a fait émerger de nouveaux enjeux : mobilité, urbanisme, environnement... Pour y faire face, les universités de Franche-Comté et de Neuchâtel ont lancé, ensemble, une série de projets transfrontaliers, soutenus par la Communauté du savoir (Cds), que nous vous proposons de découvrir dans ce numéro.
Regroupant des hautes écoles françaises et suisses de l’Arc jurassien, la Cds prend ici tout son sens. En encourageant les projets en lien avec les nouveaux enjeux territoriaux, ce réseau donne une visibilité bienvenue à des collaborations transfrontalières lancées il y a quelques années déjà, tout en offrant un soutien précieux à de nouveaux projets privilégiant des approches innovantes.
Ligne de Partages en est un bon exemple. Mêlant arts et sciences, le projet s’est donné pour mission d’explorer les différentes manières de vivre la frontière franco-suisse. Dans ce but, une équipe d’anthropologues et d’artistes suisses et français est allée à la rencontre des habitant-e-s de l’Arc jurassien, caméra au poing, deux ans durant. En ont résulté deux «veillées participatives» données à Morteau et à Boncourt. À terme, le matériel récolté servira de terreau à un projet plus vaste, ArTeRe (Arc Jurassien – Territoire de Reconnaissance), qui a pour ambition de créer un archipel de lieux d’échange visant à encourager la coopération culturelle transfrontalière.
Si la culture constitue en partie le ciment de toute communauté, la façon dont cette dernière fait face à ses enjeux territoriaux a également toute son importance. L’Université de Franche-Comté (UFC) et l’UniNE planchent conjointement sur un projet de master binational et professionnalisant visant à former des expert-e-s en relations frontalières. Grâce à cette formation, prévue pour 2024, les autorités locales franco-suisses pourront bénéficier de nouvelles compétences afin d’identifier les leviers permettant de résoudre les déséquilibres en adaptant voire en renforçant les modalités de coopération transfrontalière.
Un projet qui pourra s’appuyer sur celui mené par les linguistes des deux universités. Une équipe de recherche franco-suisse a en effet décidé d’analyser les discours politiques d’élu-e-s suisses et français prononcés dans l’année 2019 dans une soixantaine de communes situées de part et d’autre de la frontière. Objectif ? Montrer en quoi les prises de parole des conseils communaux diffèrent dans les échanges observés en France et en Suisse.
Le patrimoine naturel a aussi une place particulière dans l’Arc jurassien, avec ses forêts et ses pâturages que l’on reconnaît à mille lieues, mais aussi son sous-sol calcaire, ses rivières, ses lacs et ses tourbières. Un autre projet de médiation scientifique, le Living Lab Arc Jurassien, est en pleine gestation et sert à créer des ponts entre les scientifiques et la population, via la construction d’un jardin des sens à la Saline royale d’Arc-et-Senans, ou l’organisation d’ateliers.
Côté formation, les liens existent déjà. Ils ne font que s’intensifier. Ce n’est pas pour rien que les jeunes qui habitent la région y sont souvent très attachés, comme l’expliquent deux originaires de Franche-Comté qui ont choisi l’UniNE pour leurs études. Faciliter la mobilité entre les hautes écoles de l’Arc jurassien est une autre façon d’échanger les savoirs au-delà des limites territoriales, de partager des méthodes scientifiques... Bref, de renforcer l’identité de l’Arc jurassien pour permettre à cette région, située en périphérie de deux pays, de faire de ses particularités une force au cœur de ce grand paquebot qu’est l’Europe.
Enfin, pour prolonger et élargir la réflexion, nous vous proposons à la fin de ce numéro d’aller découvrir la nouvelle exposition permanente du Musée d’art et d’histoire de Neuchâtel (MAHN). Intitulée Mouvements, elle montre comment le mouvement – des individus, des objets et des idées – participe au développement d’une région et, par là même, «à la construction et à la définition de ses identités».
Dans les médias :
