Souvent marginale quand on parle des musées, la question financière pour boucler les budgets ou acquérir des pièces fait la question centrale de cet ouvrage signé Audrey Doyen et sous-titré « Ethnographie d’une relation à valeur ajoutée ».  

Le 15 avril 1931, dix rounds de trois minutes scellent le destin de la mission Dakar-Djibouti : devant des mécènes tels que Pablo Picasso ou Charles de Noailles, Al Brown « boxe pour la science » – comme le précise le nom de cette soirée de gala. Celle-ci permet aux organisateurs de boucler le budget de la première mission ethnographique française qui rapporte plus de 3 500 objets au Musée d’ethnographie du Trocadéro.

L’évènement, soutenu par de nombreux marchands de l’époque, est un exemple frappant des liens entre musées et argent. Pourtant, malgré des relations connues et reconnues entre ces deux sphères, la question financière reste souvent marginale dans les discussions et analyses portant sur les musées.

Sur la base d’une enquête de terrain intensive, Audrey Doyen s’attache à comprendre ces relations à l’aune du cas sensible de l’ethnographie. À l’heure des grands débats sur les restitutions, il importe en effet de revenir sur les processus, aussi bien financiers que patrimoniaux, de catégorisation, d’évaluation et de valorisation de tels objets.

La réintégration des aspects économiques et le ré-ancrage des musées dans le contexte capitaliste auquel ils appartiennent permettent de questionner les « projets muséaux » ethnographiques actuels, mais aussi de comprendre comment marchés et musées ont consacré ensemble la valeur des « objets des Autres » et participé ainsi, à leur échelle, à la construction d’une certaine (re)présentation de l’altérité.

Bio express
Après avoir travaillé aux musées d’ethnographie de Genève et de Neuchâtel, Audrey Doyen a soutenu une thèse en anthropologie et en muséologie à l’Université Sorbonne Nouvelle et à l’Université de Neuchâtel. Ses recherches et son enseignement portent sur le marché de l’art et l’économie de la culture, plus particulièrement dans le domaine ethnographique. Elle a co-fondé et dirigé l’association Mêtis, qui fait dialoguer professionnels de musées et chercheurs, et assume aujourd’hui la responsabilité de son pôle éditorial.