Entreprises et droits humains. Les limites de la bonne volonté / Unternehmen und Menschenrechte : Die Grenzen des guten Willens (2020), Ellen Hertz et Yvan Schulz (avec la collaboration de Wiebke Wiesigel). Zurich: Seismo Verlag
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Le 29 novembre prochain, les Suisses votent notamment sur l’initiative «pour des entreprises responsables». Ellen Hertz et Yvan Schulz, de l’Institut d’ethnologie de l’Université de Neuchâtel, saisissent cette occasion pour publier «Entreprises et droits humains, les limites de la bonne volonté».
Depuis les années 80, les phénomènes conjoints de déréglementation politique et de mondialisation économique ont mené à une transformation radicale du cadre légal de la production industrielle dans le monde entier. Ces transformations ont permis aux entreprises basées dans les pays industrialisés à haut coût de main-d’œuvre et aux réglementations sanitaires et environnementales exigeantes de poursuivre des stratégies de réduction de coûts en délocalisant des pans entiers de leurs activités à l’étranger.
Or, depuis plus de trente ans, les organisations syndicales, environnementales et autres ONG observent une véritable «course vers le bas» sur le plan des droits humains et de la protection environnementale dans le monde. Aucune législation nationale ne s’applique à l’entièreté de la chaîne de production. Les institutions réglementaires et juridiques manquent pour permettre aux victimes d’éventuelles violations des droits humains ou de destruction environnementale de poursuivre les entreprises responsables en justice chez eux.
Si cette situation problématique a attiré l’attention des spécialistes, aujourd’hui les citoyennes et citoyens suisses ont leur mot à dire à l’occasion de la votation de l’initiative populaire fédérale «Pour des entreprises responsables» ce 29 novembre prochain. Les anthropologues Ellen Hertz et Yvan Schulz saisissent cette occasion pour publier un livre qui vise à expliquer le contexte et les enjeux qui sous-tendent cette initiative.
Dans Entreprises et droits humains : les limites de la bonne volonté, les auteur-e-s présentent dans un langage accessible aux non-initiés, à l’aune des recherches en sciences sociales, les efforts qui ont été déployés jusqu’à présent pour gérer ces problèmes complexes, les différentes solutions qui ont été proposées et, pour certaines, testées, ainsi que les raisons qui expliquent leur efficacité souvent limitée. Concrètement, les régimes de gouvernance des réseaux de production transnationaux peuvent prendre trois formes : publique (à travers des lois et un contrôle par l’état), privé (l’auto-régulation par les entreprises elles-mêmes) ou civique (par le biais de campagnes de type «nommer et blâmer» et par des procès stratégiques soutenus par des ONG).
Aujourd’hui, le gouvernement suisse se refuse d’imposer un cadre réglementaire contraignant, et promeut le régime de gouvernance privé, appelé aussi «la responsabilité sociale des entreprises» ou «RSE». Or, pour être efficace, la RSE doit être renforcée par des lois et soumise à un contrôle de la part de la société civile. Dans ce contexte, le livre examine les arguments juridiques et politiques qui sous-tendent l’Initiative pour les multinationales responsables. Il conclut que le régime de gouvernance «mixte» qu’elle propose, qui combine une norme légale de responsabilité civile avec un système de contrôle géré par les entreprises (la diligence raisonnable) et la possibilité d’accès aux tribunaux suisses en cas de violation représente un «assortiment judicieux» de mesures qui garantirait aussi bien la tradition suisse de liberté d’entreprendre que celle du respect des droits humains.