Chez les rats, le partage de nourriture vers les plus nécessiteux est une pratique bien connue. L’odeur dégagée par les individus réellement affamés est différente de celle que diffusent des congénères juste gourmands. Les rats en position de partager leur nourriture savent ainsi s’ils ont affaire à un quémandeur honnête ou à un profiteur, révèle une étude conjointe des universités de Berne et de Neuchâtel parue dans la revue Plos Biology.
Obtenir une ressource, réaliser des tâches, accroître les bénéfices mutuels... La coopération est un comportement courant au sein des animaux sociaux. Les rats n’échappent pas à la règle, notamment en ce qui concerne le partage de nourriture. Pourtant, son maintien dans le temps requiert une réciprocité, pour aboutir à un équilibre entre donner et recevoir. Pour y arriver, des éléments dissuasifs doivent exister, afin de limiter la tentation de profiter indûment de la générosité d’autrui.
L’étude met élégamment en lumière le rôle des odeurs corporelles des rats bruns (surmulots) dans le contrôle d’un comportement de coopération animale (partager et dispenser de la nourriture). En cas de sollicitation d’aide, il est attendu que le donneur puisse se baser sur des indicateurs fiables du besoin réel, et non prétendu, du receveur. Chez les humains, des indices visuels et acoustiques sont privilégiés, bien que ceux-ci puissent être travestis. Chez les rats, un individu potentiellement donneur de nourriture privilégiera les congénères ayant vraiment faim, en se basant sur leurs odeurs.
Les résultats de l’étude montrent que les rats sentant une odeur de congénères à jeun offrent leur aide après 29 secondes en moyenne, contre une attente de 85 secondes lorsqu’une odeur de rat rassasié est diffusée. Durant les 7 minutes que dure chaque expérience, et bien que la différence observée ne soit pas statistiquement significative, les rats donneurs prodiguent leur aide en moyenne 7,6 fois envers des congénères ayant faim, contre seulement 6,4 fois aux repus. Les tests ont porté sur une vingtaine de femelles Rattus norvegicus. Leurs profils d’odeurs ont aussi été observés et sept composés odorants se sont révélés distincts entre les états à jeun ou à satiété, offrant la signature de «l’odeur de la faim».
«Ici, l’odeur représente un indicateur d'honnêteté, commente Gregory Roeder, professeur de biologie à l’Université de Neuchâtel et co-auteur de l’étude. L’odeur corporelle est en effet liée au degré de satiété. Elle offre un indicateur fiable utilisé dans l’ajustement proportionnel de l’aide alimentaire. Ne pouvant être modifiée volontairement, elle exclut toute manipulation de la part d’un profiteur potentiel.» Le donneur sentira immédiatement l’arnaque ! Combiné à la gratitude et à la réciprocité, cet indicateur contribue au contrôle de la coopération chez les rats en termes de partage de nourriture.
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