No 167, mai 2020

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Justice pénale: une question de points de vue


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Réédition d’un ouvrage de 2012, cet essai d’André Kuhn, professeur de droit pénal et de criminologie à l’Université de Neuchâtel expose différentes manières de rendre la justice. Le fondateur à l’UniNE du Centre romand de recherche en criminologie (CRRC) en illustre la thématique par cette parabole empruntée à son confrère néerlandais Louk Hulsman (1923 - 2009) qui exerça la même fonction à l'Université Érasme de Rotterdam (Pays-Bas).

Six étudiants habitent ensemble et, un jour, l’un d’eux se jette sur la télévision et la brise. Face à cette situation problématique, ses cinq colocataires ont des réactions très différentes :
  • Le premier est furieux et déclare ne plus vouloir vivre avec l’auteur ; il préconise ainsi son renvoi de la colocation;
  • Le deuxième préconise le remplacement de la télévision par celui qui l’a brisée;
  • Le troisième, considérant que, pour en arriver à faire une chose pareille, il faut être malade, préconise que l’auteur aille voir un psychiatre;
  • Le quatrième, considérant que l’auteur n’a probablement pas véritablement pris conscience de la valeur de ce qu’il vient de détruire, envisage d’expliquer à son colocataire combien il a été difficile de procéder à l’achat du téléviseur et qu’il est important de respecter la propriété d’autrui;
  • Finalement, le dernier étudiant murmure : «Nous croyions bien nous entendre, mais quelque chose ne doit pas marcher dans notre communauté pour qu’un tel geste ait été possible... Faisons tous ensemble un examen de conscience».
Il existe ainsi, commente André Kuhn, cinq styles de réactions sociales face à un acte déviant de la norme : dans l’ordre mentionné ci-dessus, le style punitif, le style compensatoire, le style thérapeutique, le style éducatif, et finalement le style conciliatoire. Le premier correspond à la justice rétributive telle que nous la connaissons. Toute la question est de savoir pourquoi nous en restons perpétuellement à cette forme unique de justice, alors qu’il en existe d’autres, peut-être tout aussi bonnes, voire, qui sait, meilleures.

Au-delà de cette parabole, l’auteur insiste dans cette édition sur «le caractère utopique – voire même dystopique – de notre système pénal dont on sait qu’il ne fonctionne pas dans son but d’éradiquer le crime, mais que l’on continue à utiliser en pensant que demain ça marchera mieux… » Et ce, sans compter que le passage d’un système réactif à un crime commis dans le passé vers un système qui, sous couvert de prévention, punirait avant même que le crime ne soit commis, revient à réintroduire l’arbitraire, puisque l’on peut ainsi être puni sans avoir rien fait de mal… «La quête du risque zéro est donc la plus grande dystopie de notre société», conclut André Kuhn.

Références :
Quel avenir pour la justice pénale ? André Kuhn, Editions de l’Hèbe, collection La Question, 2012, 2e tirage (revu et corrigé par l’auteur) 2020, 96 pp.

En savoir plus :
www.lhebe.ch/produit/76-quel-avenir-pour-la-justice-penale 


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