Des larves de moustiques se développant dans de l’eau polluée par une faible concentration de perméthrine, un insecticide très répandu, voient leur système immunitaire renforcé. Et au lieu d’être affaiblis, les moustiques deviennent également plus résistants aux insecticides une fois adultes. Mais les effets nets de ce constat sur la transmission du paludisme à l’homme demeurent encore difficiles à évaluer, nuance le biologiste Gaël Hauser, qui rapporte ces observations dans sa thèse de doctorat soutenue à l’Université de Neuchâtel.
Le paludisme reste un fléau mondial responsable de plus de 400'000 décès par an, selon les chiffres de l’OMS. Le meilleur moyen de lutte est de s’attaquer au principal vecteur du parasite de la malaria, le moustique Anopheles gambiae, notamment via des insecticides. «Pour ce travail, nous avons utilisé la perméthrine, un insecticide neurotoxique qui, lorsqu’il est utilisé à haute concentration, conduit à la paralysie et à la mort des insectes», explique Gaël Hauser, auteur d’un doctorat réalisé au Laboratoire d’écologie et d’épidémiologie parasitaire sous la direction du professeur Jacob Koella. Toujours utilisé en agriculture dans de nombreux pays, cet insecticide est plus spécifiquement appliqué contre les moustiques dans les régions touchées par un paludisme endémique.
«De façon surprenante, nous avons montré que l’exposition à une dose sous-létale de perméthrine serait principalement bénéfique et non délétère pour ce moustique, suivant l’adage ‘ce qui ne tue pas rend plus fort’», illustre le biologiste. Ainsi, des moustiques exposés à ces faibles doses de perméthrine durant leur stade larvaire pondaient plus d’œufs par la suite, résistaient mieux aux insecticides et présentaient de meilleures défenses immunitaires contre les pathogènes, y compris contre le parasite responsable du paludisme.
«Cependant, les conséquences potentielles sur la transmission de la maladie ne sont pas si évidentes, nuance le chercheur. En effet, la stimulation du système immunitaire induite par l’insecticide à faible dose aide les moustiques à éliminer le parasite, mais elle les aide également à survivre à l’infection paludique.» Ainsi, la proportion de moustiques infectés par le paludisme pourrait diminuer, mais le nombre total de moustiques, comprenant aussi la proportion des individus qui restent infectés, pourrait augmenter. Par conséquent, l’effet «net» de l’insecticide sur la transmission du paludisme demeure difficile à prédire.
Les recherches de Gaël Hauser ont permis d’identifier l’un des mécanismes physiologiques à l’origine de ces résultats : les défenses antioxydantes. «Lorsque les moustiques sont exposés à un insecticide, des antioxydants sont produits en grand nombre pour protéger les organes d’éventuels dommages. Mais quand la dose d’insecticide est très faible, les défenses antioxydantes sont stimulées sans que l’insecticide soit en dose suffisante pour causer des dommages importants. Dans notre étude, nous avons constaté que la stimulation des défenses antioxydantes perdure jusqu’au stade adulte. Comme ces antioxydants peuvent ensuite être impliqués dans la reproduction, dans la résistance aux insecticides et dans le système immunitaire, une exposition sous-létale à un insecticide va être majoritairement favorable à l’insecte.»
En conclusion, l’étude de très faibles doses d’insecticide dans ce contexte a probablement été sous-estimée. Les résidus d’insecticide peuvent avoir un impact significatif sur de nombreux aspects de la biologie des moustiques, y compris ceux liés à la transmission des maladies à l’homme.
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