Mélanie Huguenin-Virchaux est la lauréate de ce prix pour 2020. Son mémoire de master s’intitule Une intrusion masculine dans un domaine féminin : les sages-femmes de Suisse romande de 1750 à 1850 au cœur d’une politique de contrôle. Il a conquis le jury composé de Johann Boillat (Président), Laurence Bodenmann, François-Xavier Chauvière, Laurent Delacroix, Coraline Guyot et Fanny Puthod. A travers la professionnalisation et la réglementation du métier de sage-femme dans ces années-là, c’est l’intrusion des hommes dans un domaine d’activité particulièrement féminin jusqu’alors qui s’illustre ici.
Le thème de ce mémoire gravite autour des sages-femmes romandes, plus particulièrement neuchâteloises et vaudoises, des XVIIIe et XIXe siècles, une période de grand changement pour cette profession. La réflexion s’axe à la fois sur la réglementation et la professionnalisation des sages-femmes (encadrement législatif de leur pratique, restrictions, formation) qui permettent l’intrusion des hommes dans leur domaine. Grâce aux sages-femmes, qui deviennent ainsi un médiateur entre les autorités et les femmes, un nouveau contrôle des filles-mères, des enfants illégitimes et des infanticides est mis en place.
La démarche scientifique s’inscrit dans des recherches débutées dans les années 1970, à la fois dans la méthode, qui est celle de la microhistoire (mais une microhistoire « longue durée » sur un siècle), mais aussi dans le contenu des recherches, qui s’insère dans l’histoire des femmes, de la médicalisation ou de la naissance. Toutefois, l’auteure ne s’est pas focalisée sur l’histoire médicale, mais l’a dépassée en s’intéressant aux motivations, aux comportements et au corps, permettant ainsi d’aborder de nouvelles sources traitant de l’illégitimité, des sages-femmes, des matrones ou des filles-mères. Les personnalités centrales à cette recherche sont véritablement les femmes : sages-femmes, matrones, mères, filles-mères et enfants illégitimes. Certaines études de ce genre existent en France, notamment grâce à Jacques Gélis, mais en Suisse les études historiques sur la grossesse et l'accouchement sont encore rares et restent plutôt axées sur les aspects médicaux. Ce travail est donc une tentative de remplir ce vide dans notre région.
Mélanie Huguenin-Virchaux a récolté pour cela un corpus de sources inédites conséquent : serments, registres de sages-femmes, registres d’accouchements, notes manuscrites de sages-femmes, registres des mœurs, manuels d’accouchements, registres de lois, etc. Les billets manuscrits des sages-femmes attestant des naissances et l’affaire exemplaire d’Elise Bovay, une jeune femme accusée d’infanticide, sont tout particulièrement touchants.
Bien qu’établi dans le passé, un travail de ce genre permet également d’étudier le présent, notamment le retour à l’accouchement naturel, les violences obstétriques ou l’indépendance des sages-femmes, ce qui permet diverses ouvertures et réflexions.
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