A l'heure de la pandémie du Covid-19 et des moyens pour faire respecter les mesures de distance sociale ou de confinement, l'utilisation des drones est un thème d'actualité. A l'Institut de géographie de l'Université de Neuchâtel, Silvana Pedrozo vient de soutenir une thèse de doctorat sur la manière dont les drones sont arrivés dans le giron des autorités (police, forces aériennes, gardes-frontières) et sur la perception de ces engins par la population.
Les drones font partie intégrante des mesures sécuritaires et de surveillance de la police susceptibles d'être mobilisées dans le cadre de la pandémie du Covid-19. On peut y avoir recours pour vérifier que des gens qui se promènent respectent bien la distanciation sociale imposée, même dans des endroits peu fréquentés, à l'abri des regards, grâce à des caméras thermiques embarquées. Mais bien avant la crise sanitaire actuelle se posait la question de la présence toujours plus importante des drones dans le ciel, de leur acceptabilité par la population en fonction de qui les utilise et à quelles fins.
La venue des drones dans le giron de la police neuchâteloise par exemple est déjà particulière en soi. «Elle ne suit pas une procédure «habituelle» qui voudrait qu'on s'informe sur tous les aspects liés à cette nouvelle technologie, qu'on réfléchisse sur la manière de la déployer, puis qu'on fasse des tests avant même de l’utiliser sur le terrain. Une procédure plus linéaire en somme», illustre Silvana Pedrozo. Pour les drones, rien de tel. Leur introduction a été bien plus complexe. Les premiers usages sont partis de quelques policiers passionnés qui utilisaient ces engins à titre privé avant de devenir un sujet officiel de discussion et d'utilisation avec des objectifs bien définis.
Pour ce qui est de l'impact des drones sur la population, une enquête menée il y a quatre ans par l'Institut de géographie et rappelée dans cette thèse indique que les gens voient d’un bien meilleur œil l’usage des drones par la police ou l’armée que leur utilisation à des fins commerciales ou récréatives. Cette appréciation doit cependant être nuancée. Si le dispositif sécuritaire est largement accepté comme aide lors de situations d’urgence, il suscite toutefois la méfiance lorsqu’il est envisagé comme moyen de surveillance. De cette enquête menée à l'échelle du canton de Neuchâtel ressortait également une critique très nette des drones commerciaux qui dérangent près de deux personnes sur trois.
Dans le cadre de sa thèse, Silvana Pedrozo a eu l'opportunité de suivre une mission d'engagement militaire depuis la base aérienne de Payerne. A l'époque, en 2014, ces engins modifiaient déjà les mesures de surveillances aériennes, mais ils n’avaient rien à voir avec les nouveaux systèmes de drones (ADS 15) actuellement testés au-dessus du territoire suisse. Ces derniers – pourtant très peu médiatisés – détiennent des performances techniques inédites qui transforment les pratiques d’observation et de surveillance et posent de cruciales questions sécuritaires, éthiques et sociales.
Le doctorat de Silvana Pedrozo fait partie intégrante d'un projet de longue haleine chapeauté par son directeur de thèse Francisco Klauser et intitulé Power and Space in the Drone Age. Soutenu par le Fonds national suisse (FNS) depuis fin 2015, il a pour objectif d’évaluer sous l’angle des sciences sociales les chances et les risques liés à l’usage des drones en Suisse. A noter que la soutenance de thèse de Silvana Pedrozo, au lieu de se dérouler devant un public en chair et en os, a dû se tenir hier à huis clos, par plateforme de réunion online interposée.