Les tourbières européennes ont subi un assèchement important et généralisé au cours des 300 dernières années, dû en grande partie à l’activité humaine, selon une vaste compilation internationale de recherches publiée dans Nature Geoscience et à laquelle a participé Edward Mitchell, professeur de biologie à l’Université de Neuchâtel. Une autre étude, co-signée par le chercheur en climatologie appliquée Constant Signarbieux, a de son côté identifié deux espèces de sphaignes, un genre de mousses typiques des tourbières, qui pourraient limiter les effets négatifs du réchauffement climatique sur ces zones humides.
Les tourbières représentent des écosystèmes précieux pour l’équilibre écologique de la planète. Ces biotopes fonctionnent en effet comme des puits de carbone, fixant dans leurs sols plus de dioxyde de carbone qu’elles n’en rejettent, contribuant ainsi à diminuer l’effet de serre. Par cette particularité, les tourbières renferment à elles seules le tiers du carbone de la planète, alors qu’elles ne représentent, en termes de surface, qu’à peine 3% des terres émergées.
Mais cette fonction est aujourd’hui clairement menacée, selon l’article publié dans Nature Geoscience. Celui-ci rassemble toutes les études examinant, à partir des amibes qui peuplent ces zones humides, l’évolution du niveau d’humidité d’une trentaine de tourbières situées en Grande-Bretagne, en Irlande, en Scandinavie et en Europe continentale.
Selon les 38 co-auteurs de l’étude, 60% des sites étudiés se sont plus asséchés entre 1800 et l’an 2000 qu’au cours des 600 dernières années. 40% des tourbières étudiées étaient plus sèches durant ces deux siècles qu’au cours des 1000 dernières années, et 24% plus sèches qu’il y a 2000 ans. « Nos résultats suggèrent que l'humidité de nombreuses tourbières européennes pourrait maintenant s'éloigner de son niveau naturel », constatent les auteurs qui en appellent à une gestion et à une restauration efficaces de ces milieux.
Une des pistes à explorer pourrait venir des travaux de Constant Signarbieux et Vincent Jassey qui, dans une collaboration entre l’Université de Toulouse, l’EPFL et le WSL, ont identifié dans la tourbière du Forbonnet (Jura français) deux espèces de sphaignes dominantes (Sphagnum fallax et S. medium) aux propriétés particulières. Les deux chercheurs ont montré que ces deux mousses présentaient des sensibilités opposées face à une augmentation de la température de l’air, combinée à une répétition de périodes de sécheresse plus ou moins longues. Sphagnum medium résiste bien à la sécheresse quand la photosynthèse de S. fallax est fortement diminuée. A l'opposé, lors de fortes températures sans sécheresse, S. fallax augmente sa photosynthèse, donc son gain de carbone, tandis que S. medium répond négativement. Au final, la tourbière ne présente apparemment pas de perte de carbone.
Leur étude, publiée dans la revue Global Change Biology, révèle que ces deux espèces de sphaignes pourraient limiter les effets négatifs de fortes sécheresses sur le stockage du carbone dans les tourbières. Elles pourraient constituer un espoir pour éviter que les tourbières passent du statut de puits de carbone à celui de nouvelle source de CO2, ce qui contribuerait à renforcer l’effet de serre sur notre planète.
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