L’Institut de géographie de l’Université de Neuchâtel (UniNE), en partenariat avec l’Institut d’ethnologie, a organisé un colloque pour réfléchir aux conséquences de l’avènement des robots, drones ou autres capteurs électroniques dans l’agriculture. Une trentaine de spécialistes de différentes disciplines (géographie, ethnologie, sociologie, agronomie, économie et robotique) ont échangé durant deux jours leurs points de vue sur les chances et les risques des fermes connectées, tant pour les cultures que pour l’élevage du bétail.
Après la Smart city, la ville intelligente, place au Smart farming : les nouvelles technologies débarquent dans les campagnes. Drones, robots, capteurs et smartphones font de plus en plus partie du paysage rural. La ferme du futur se présente comme un système interconnecté, basé sur des techniques de collecte, de transfert et d'analyse de données, ce qui pose d'importants problèmes de confidentialité et de surveillance. De quoi susciter l’intérêt de Francisco Klauser, professeur à l’Institut de géographie de l’UniNE, qui a obtenu le soutien du FNS pour un projet consacré à ce thème (Big Data in Agriculture: The Making of Smart Farms), et de Dennis Pauschinger, post-doctorant sur ce projet.
Egalement organisateurs du colloque qui fait partie du projet FNS, les deux chercheurs s’intéressent entre autres au premier modèle de drone à bénéficier d’une autorisation en Europe de pulvériser de manière autonome des produits de traitement de cultures. Ces drones d’épandage sont développés et utilisés par la compagnie Aero41 située en Valais. Francisco Klauser étudie plus spécifiquement comment les drones d’épandage transforment les pratiques agricoles, en démontrant qu'ils y ajoutent une troisième dimension (celle de l’espace aérien) et en demandant ce que cela implique comme changements pour tous les acteurs concernés.
De son côté, Dennis Pauschinger analyse la manière dont les nouvelles technologies numériques sont diffusées dans le secteur agricole en Suisse. Avec l’exemple du drone d’épandage, il met en évidence pour cette diffusion l’énorme effort d’innovation de l’entreprise qui produit le drone, mais aussi le rôle de l’Agroscope et des offices fédéraux impliqués (aviation civile, agriculture, environnement), puisque c’est le premier drone d’épandage à être juridiquement considéré comme une machine d'application de traitement au sol.
Quant au professeur d’ethnologie Jérémie Forney, le troisième organisateur du colloque, il est à la tête d’un projet FNS qui explore l’influence des technologies digitales sur la gouvernance des pratiques agro-environnementales, et par là même sur nos modes d’alimentation. Il rappelle qu’en offrant une gestion plus précise des ressources (engrais, pesticides, techniques de récolte), les technologies digitales sont généralement présentées comme une manière de minimiser l’impact négatif de l’agriculture sur l’environnement. Mais dans le même temps, le fait de collecter et brasser d’énormes quantités de données pour améliorer par exemple la traçabilité d’un produit agricole, d’une céréale ou d’une viande induit d’autres problèmes, notamment en termes de bureaucratisation des pratiques, de protection des données ou de leur utilisation commerciale.
Un autre volet du colloque a porté sur la manière dont les nouvelles technologies numériques sont perçues par les premiers concernés : les agriculteurs. C’est dans cette optique que Géraldine Félix, Mathias Délétroz et Nastasia Jeanneret, trois géographes de l’UniNE, ont questionné des propriétaires d’exploitation en Suisse romande qui ont acquis des tracteurs autonomes dernier cri. Pilotés par satellite, ils offrent une précision de conduite à deux centimètres près. Une fois configurés pour le terrain prévu, ils se déplacent tout seuls, amassant au passage quantité de données sur les sols, les cultures, les récoltes et le positionnement du tracteur. Le tout est géré par une plateforme centralisée.
Revue de presse