L’Université de Neuchâtel a décroché un subside de plus de 3 millions de francs sur quatre ans pour une étude pionnière des collections botaniques de Jean-Jacques Rousseau et de plusieurs de ses contemporains. Cette étude, interfacultaire par excellence, combine de manière originale des observations et des techniques venues des sciences naturelles et de l’histoire de la littérature. Elle fait partie de la nouvelle liste de projets Sinergia soutenus par le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS).
Intitulé Héritages botaniques des Lumières : exploration de sources et d’herbiers historiques à l’intersection des lettres et des sciences, le projet rassemble les collections botaniques du XVIIIe siècle encore méconnues de Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) et de plusieurs de ses contemporains.
Porté par Jason Grant, professeur de botanique et conservateur des herbiers, et Nathalie Vuillemin, professeure en littérature et savoirs, il implique également Timothée Léchot, spécialiste de la littérature du XVIIIe siècle et un des initiateurs de ce projet Sinergia dans lequel cet historien coordonnera les recherches autour de Rousseau et de la constitution d’un herbier virtuel. A ses côtés, le botaniste et taxonomiste Pierre-Emmanuel Du Pasquier s’intéressera plus particulièrement aux botanistes neuchâtelois du XVIIIe siècle et à l'étude de la flore du canton.
Le projet est donc né d’une volonté originale de mettre en commun des compétences en botanique et en histoire de la littérature pour comprendre les herbiers de Rousseau dispersés dans plusieurs institutions d’Europe et dont on n’a jamais étudié les spécimens dans leur ensemble.
Ces herbiers contiennent des plantes d’un botaniste amateur, Rousseau, mais aussi de nombreux spécimens d’un botaniste expérimenté, Jean-Baptiste Christian Fusée-Aublet. Ils seront le point de départ d’une réflexion ambitieuse sur l’alliance entre les sciences et les lettres au XVIIIe siècle et sur l’héritage botanique des Lumières. La recherche débutera officiellement en février 2020 pour une durée de quatre ans. Elle se décline en trois volets.
Numérisation de l’herbier
Le premier vise à numériser le dernier herbier de Rousseau et des spécimens qu’il a reçus de ses correspondants botanistes. Un travail alliant botanique, histoire et informatique permettra de reconstituer cette collection de près de 3000 plantes sous la forme d’un herbier virtuel, le premier du genre, qui envisage l’herbier historique comme une source à la fois pour l’histoire littéraire, l’histoire des sciences et la botanique contemporaine.
Cette plate-forme informatique profitera également aux deux autres volets du projet, dont celui centré sur le naturaliste français Fusée-Aublet connu pour ses herbiers, ses nombreux manuscrits et sa célèbre Histoire des plantes de la Guiane Françoise (1775). Sur le plan historique, il permettra d’explorer la construction d’une représentation des Antilles, focalisée notamment sur la nature des îles, et de comprendre le programme de «botanique coloniale» dirigé de Paris par les frères Antoine et Bernard de Jussieu. Sur le plan scientifique, il permettra de faire des progrès considérables dans la typification des nombreux spécimens tropicaux récoltés par le botaniste explorateur.
Le troisième volet se focalisera sur les herbiers et les manuscrits de trois botanistes neuchâtelois : Jean-Antoine d’Ivernois et Abraham Gagnebin (les premiers enseignants botanistes de Rousseau pendant son séjour en Suisse), et Jean-Frédéric Chaillet. Ces trois hommes sont à la base de la première étude systématique de la flore neuchâteloise. Une connaissance approfondie de leurs travaux permettra de comprendre l’évolution de la flore de cette région, notamment sur les plans biogéographique et environnemental entre le XVIIIe siècle et aujourd’hui.