Pour faire face au fléau de la corruption, les Etats adaptent régulièrement leur stratégie de lutte dans différents domaines du droit pénal. Ces réformes non coordonnées donnent lieu à un modèle hybride de justice pénale qui aboutit à une justice parfois opaque si ce n’est complaisante. C’est à ce modèle que s’intéresse Nadja Capus, professeure de droit pénal et de procédure pénale à l’Université de Neuchâtel, dans son projet RevAClaw (Revamping Anticorruption Criminal Law). Projet qui vient de remporter une prestigieuse bourse ERC (European Research Council) Consolidator Grant d’un montant de 2 millions de francs. C’est une des rares juristes suisses ayant obtenu une telle bourse qui n’est attribuée qu’aux plus brillant-e-s scientifiques issu-e-s du monde entier.
Un concours compétitif
Créé en 2007, le Conseil Européen de la Recherche fait partie du programme-cadre européen finançant la recherche et l’innovation (Horizon 2020). Il a annoncé la liste des récipiendaires de la bourse Consolidator Grant. Dotée d’un montant de 2 millions, cette bourse est destinée aux scientifiques expérimenté-e-s (7 à 12 ans après le doctorat) et aux parcours prometteurs qui souhaitent constituer ou consolider leur équipe de recherche. Sur les 2453 candidats et candidates, seul-e-s 301 chercheurs et chercheuses ont été retenu-e-s. Il s’agit donc d’un concours hautement compétitif avec un taux de réussite de 12.3 %.
La refonte du droit pénal anticorruption sous la loupe
Le projet de la professeure Nadja Capus s’intitule REVACLAW (Revamping Anticorruption Criminal Law). Ce projet s’intéresse à la refonte actuelle du droit pénal anticorruption, en particulier à l’émergence d’un nouveau modèle que l’on pourrait qualifier de « modèle hybride de justice pénale ». Comme l’explique la professeure Nadja Capus : « ce modèle résulte d'un mélange de stratégies d'adaptation non coordonnées dans trois domaines différents du droit : droit pénal matériel, droit pénal procédural et entraide judiciaire internationale en matière pénale ». En effet, on assiste de plus en plus à une collaboration entre les autorités pénales et les sociétés multinationales soupçonnées de corruption. Les premières demandant aux secondes d’investiguer à l’interne et de collecter les preuves de corruption, en échange de quoi l’Etat se limite à confisquer des valeurs patrimoniales et à imposer une vérification et un contrôle de conformité en sein des entreprises, mais ne condamne pas les multinationales, ou seulement de manière symbolique. Ce modèle, qui s’étend rapidement dans de nombreux pays, remet en cause les principes fondamentaux de la justice pénale. Il mérite donc d’être mieux connu.
Une bourse prestigieuse qui engendrera 5 postes de travail pour 5 ans
Le ERC Consolidator Grant inclut un financement attrayant à long terme (cinq ans) qui permet de créer cinq postes de travail, dont trois postes de doctorant-e-s en droit au sein de l’Université de Neuchâtel.