Lorsque nous regardons le ciel, nous voyons une infinité d’étoiles, toutes différentes les unes des autres. Pourtant, on peut comparer ce qui les fait briller, suivant leur composition, leur dimension et leur environnement. Par analogie, même si chaque personne perçoit le bonheur différemment, les conditions qui y mènent peuvent, elles aussi, être comparées. C’est par cette métaphore astrophysique que le sociologue de l’Université de Neuchâtel Gaël Brulé aborde le sujet de son livre Le bonheur n’est pas là où vous le pensez.
Il faut déjà s’entendre sur ce que cache le terme de «bonheur», relève d’emblée Gaël Brulé. Pour les psychologues, il s’agit d’une émotion, d’un état mental bref. Ce n’est pas ce qui intéresse ce docteur en sociologie. Lui parle d’un concept qui permet d’évaluer, sur le long terme, le degré de satisfaction qu’on éprouve dans la manière de mener sa vie, entre besoins et envies. Mais on ne sait pas toujours trouver les mots pour l’exprimer, ni pour savoir exactement pourquoi on éprouve une certaine satisfaction.
«Le bonheur résulte d’un patrimoine génétique, d’une matrice sociale et d’environnements culturels (national, régional, local, familial) dans lesquels nous évoluons, écrit le chercheur. Il est le résultat d’un ensemble de strates qui se superposent.» S’agissant de la strate génétique par exemple, des études sur des faux et vrais jumeaux ont montré que «le niveau de bonheur d’un jumeau permet en moyenne de prédire la moitié du niveau de l’autre vrai jumeau». Cette part de bonheur est donc liée au fait que les vrais jumeaux partagent le même patrimoine génétique. Dans le cas de faux jumeaux, en revanche, rien de tel n’est observé.
S’agissant de la strate sociale, l’approche s’appuie sur les interactions entre les individus que l’on divise en deux types: les liens forts qui regroupent le cercle familial, les amis et collègues proches, et les liens faibles, ceux tissés avec toutes les autres personnes. Cette classification permet d’entrevoir des profils types de bonheur suivant les régions du monde. «Une prédominance de liens forts et de liens faibles négligeables caractérisent par exemple la France, où le bonheur va être recherché plutôt dans le cercle familial, illustre Gaël Brulé. Aux Etats-Unis en revanche, les gens accordent davantage d’importance aux liens faibles.»
La confiance, cet accord social entre deux ou plusieurs personnes, clé de voûte du bon fonctionnement des sociétés, joue un rôle central dans la quête du bonheur. Elle est par exemple révélée par l’usage de l’argent. Or l’argent, comme le bonheur, n’a de sens que dans un environnement social. «Notre rapport à l’argent contribue au bien-être, pas seulement par sa valeur, mais également par sa fonction sociale, explique le sociologue. Par exemple, la frustration liée à un salaire qu’on juge trop faible n’est pas tant perçue négativement que par sa valeur, mais par le manque de respect qu’on ressent.»
Gaël Brulé, Le bonheur n'est pas là où vous le pensez, Dunod, octobre 2018, 224 p.
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