Crise économique et sociale oblige, les collectivités publiques peinent de plus en plus à financer leurs politiques sociales. Face aux insuffisances étatiques, de quelle manière les associations d’entraide et de soutien peuvent-elles s’instituer comme réponse potentielle aux enjeux et défis posés à l’État social ainsi qu’à la crise du lien social ? C’est l’objet de la thèse de doctorat de la sociologue Sabine Jacot qui, au-delà d’une simple radiographie des milieux associatifs, esquisse les enjeux et défis d’un secteur en pleine mutation.
Pour répondre à ces questions, la chercheuse s’est immergée pendant près d’une année dans la vie d’une vingtaine d’associations neuchâteloises. «J’ai choisi Neuchâtel comme terrain d’étude, car c’est l’un des cantons suisses où le taux de chômage et d’aide sociale ainsi que le nombre de familles monoparentales sont, en moyenne, les plus élevés du pays depuis plusieurs années», explique-t-elle d’emblée : «Il illustre les difficultés auxquelles sont confrontées les politiques publiques aujourd’hui.» Afin d’élargir son propos, elle a également passé au peigne fin quelques associations romandes, basées respectivement à Fribourg, Genève et Lausanne.
Association de chômeurs, association pour femmes ou de familles de milieux populaires, association de quartier, réseaux d’échanges non monétaires (SEL ou RERS), agriculture contractuelle de proximité (APC) ou encore associations écologiques… La sociologue s’est essentiellement intéressée à de petites structures locales, aux projets de solidarité très différents, autogérées par leurs membres ou administrées par des bénévoles et des professionnel-le-s. Grâce à ses observations et à la quarantaine d’entretiens menés auprès des bénévoles, des bénéficiaires et du personnel salarié de ces collectifs « de solidarité », comme elle les qualifie, elle a défini entre autres cinq formes de solidarité qui lui ont permis de mettre en lumière les caractéristiques, le fonctionnement et les limites du milieu associatif, pour finir par traiter les entrecroisements des solidarités associative et étatique.
«Aujourd’hui, ces associations sont non seulement nécessaires dans les enjeux de solidarité collective, mais elles participent également à (re)créer du lien social. Elles permettent de compléter des prestations ou de pallier certains manques au niveau étatique. Elles compensent parfois aussi la solidarité familiale en offrant notamment des prestations ciblées et personnalisées.» Un bémol toutefois : leur pérennité. «Pour qu’elles continuent à fonctionner, il faut pouvoir compter sur l’engagement des parties prenantes et, pour certains groupes, sur des moyens financiers», poursuit Sabine Jacot. C’est là toute la difficulté : souvent créées pour faire face à des lacunes étatiques, la plupart de ces associations ont besoin de la manne financière publique pour fonctionner. Or, qui dit aide étatique, dit souvent institutionnalisation et professionnalisation de l’association, ce qui peut l’éloigner à terme de sa base, observe la sociologue.
Une société purement associationniste fonctionnerait-elle ? Pour la sociologue, la solidarité associative serait en l’état insuffisante au regard des enjeux socioéconomiques des sociétés contemporaines. Reste que les associations pourraient bien avoir vocation à jouer un rôle plus important ces prochaines années : «On peut à mon sens parier sur une plus grande propension à recourir à la solidarité associative à l’avenir en réponse aux nombreux défis auxquels nos sociétés sont confrontées.»
Sabine Jacot, La solidarité chaude de type associatif comme réponse potentielle aux insuffisances de l’État social et à la crise du lien social ?