Comment comprendre que l’on puisse aider une autre personne sans contrepartie évidente et immédiate ? C’est sur cette question que Jennifer McClung et ses collègues du Centre de sciences cognitives de l’Université de Neuchâtel se sont penchés. Leur étude a mis en évidence l’importance de l’intentionnalité partagée, autrement dit de la faculté à comprendre et à faire siens les objectifs des autres. Cette capacité se déclenche lorsque des personnes, femmes ou hommes, appartiennent à un même groupe, ou lorsqu’il s’agit de femmes entre elles. Ces résultats ont été publiés récemment dans la revue Royal Society Proceedings B.
L’objectif de la recherche était de mettre en évidence les conditions qui amenaient les gens à aborder une tâche individuellement ou, au contraire, à aider une autre personne en faisant preuve d’altruisme. Il s’agissait notamment de déterminer quels éléments facilitaient la mise en place d'intentionnalité partagée, autrement dit la faculté à comprendre et à faire siens les objectifs des autres.
Pour ce faire, le dispositif expérimental consistait en une «chasse aux œufs» en plastique renfermant chacun une vis d’une couleur donnée (le «trésor»). L’un des joueurs devait amasser les vis rouges, l’autre les bleues. La motivation était donc l’appât du gain, car chaque vis récoltée amenait un gain individuel à la fin de la partie. Chaque joueur pouvait choisir de coopérer avec une autre personne ou de jouer seul, suivant le sentiment d’appartenance ressenti vis-à-vis d’un groupe auquel on l’avait assigné.
Avant le début du jeu en effet, les participants, femmes ou hommes, avaient rempli un questionnaire de préférence alimentaire qui les classait dans un groupe spécifique, par exemple le groupe «pomme» ou «orange». Cette appartenance était affichée sur un badge. Les paires formées étaient donc soit composées de membres d’un même groupe, soit d’un groupe différent. Aucune autre consigne n’était donnée aux joueurs.
«Nos résultats montrent que les personnes assignées au même groupe (p.ex. 2 ‘oranges’) coopéraient deux fois plus fréquemment que les personnes appartenant à des groupes différents. Les femmes le faisaient, elles aussi, deux fois plus souvent que les hommes. Donc les femmes et les personnes qui chassaient avec quelqu’un du même groupe se donnaient plus souvent la peine d’amener à l’autre personne une vis qui ne leur rapportait rien. Elles ont atteint cet altruisme en discutant de la chasse comme si elles formaient déjà ‘une équipe’, tandis que les gens placés dans des groupes différents et les hommes le faisaient comme s’il agissait d’une tâche individuelle», relève Jennifer McClung.
Ces résultats expliquent pourquoi nous choisissons parfois de coopérer, ou, au contraire entrons en conflit avec les autres. La réponse à cette question a nécessité une approche interdisciplinaire, chère au Centre de sciences cognitives de l’UniNE, au croisement de la biologie du comportement, de la sociologie et de la psychologie.
Revue de presse