La commission du Prix de l'Institut Neuchâtelois a proposé cette année d'honorer le juriste international Yves Sandoz, qui s'est illustré et continue à le faire dans un domaine, le droit international, et particulièrement le droit des conflits, qui est peu connu du grand public.
Le président de la commission du prix de l’Institut, Jean-Patrice Hofner, nous présente le lauréat:
J'emprunte au Professeur Philippe Henry, que je remercie au nom de la commission dont il a fait partie, la présentation qu'il a faite du lauréat, et dont la pertinence a convaincu l'ensemble de nos membres.
«Par définition le droit international se pense et se pratique à une large échelle, ce qui offre à ses acteurs les plus importants et brillants un rayonnement quasi universel, du moins dans le milieu (universitaire, politique, diplomatique) où ils évoluent. C’est le cas d’Yves Sandoz. Il fait partie de ces juristes généralement méconnus du public qui depuis deux ou trois siècles s’efforcent de mettre un peu d’ordre ou de retenue dans les relations entre les pays ou le comportement des hommes envers leurs semblables, en particulier dans le contexte des conflits armés. Au vu de ce qui se passe sur la scène internationale - par exemple aujourd’hui -, on peut certes sourire de l’inefficacité de ces efforts de réglementation ou s’indigner devant les impuissances dissuasives de la justice pénale internationale… Mais on peut aussi admirer l’idéalisme de ceux qui pensent pouvoir améliorer les choses et s’évertuent, dans l’ombre, à éveiller les consciences, à construire des instruments de régulation et à intégrer le droit humanitaire dans les législations nationales.»
Il nous a semblé que le moment était, hélas, bien choisi d'honorer, à travers Yves Sandoz, les publicistes qui consacrent leurs efforts aux aspirations du droit humanitaire.
Neuchâtelois de souche, Yves Sandoz, fait partie de ces remarquables juristes qui font parler de Neuchâtel à l’étranger, depuis Emer de Vattel né à Couvet en 1714 (sur lequel d’ailleurs Yves Sandoz a organisé un colloque à Neuchâtel) à Georges Sauser-Hall et Max Petitpierre, de Jacques-Michel Grossen à Olivier Jacot-Guillarmod, pour ne citer que quelques noms orientés vers le droit international.
Les juristes sont peu présents dans la liste des lauréats du prix de l’Institut : André Grisel en 1981 et Jean-François Aubert en 1990, l’attribution du Prix 2017 à Yves Sandoz complète heureusement cette liste.
Brève biographie
Yves Sandoz, né à Neuchâtel en 1944 est domicilié à Neuchâtel ; marié, trois enfants. Il a fait ses études à Neuchâtel : licence, puis doctorat avec une thèse intitulée: Des armes interdites en droit de la guerre, thèse publiée en 1975. Il a collaboré à l’édition d’un Commentaire du code pénal suisse, 2e éd., Neuchâtel, Delachaux & Niestlé, paru en 1976. Puis, entre 1968 et 1973, il a assumé diverses missions pour le CICR: Nigéria, Israël et les territoires palestiniens occupés, Bangladesh, Jordanie, Liban, Yémen du Sud, entre autres. Collaborateur à la Division juridique du CICR dès 1975, il y devient directeur de la division du Droit international et de la doctrine (International Law and Policy) de 1983 à 2000. Il est membre du CICR à partir de 2002 où il siège dans la Commission de contrôle, puis membre honoraire du CICR à partir de 2014. Il assume de nombreux enseignements en Suisse et à l’étranger dans diverses universités (dont Neuchâtel, Fribourg et Genève) et hautes écoles (dont le Collège d’Europe à Bruges). Il est le concepteur et animateur /enseignant du Centre Universitaire du droit international humanitaire (CUDIH, Genève), devenu aujourd’hui l’Académie de droit international humanitaire et des droits humains. C’est enfin un expert mondialement reconnu, écouté et estimé, ayant notamment été membre de l’Institut international de droit humanitaire de San Remo, de l’Institut international des droits de l’homme de Strasbourg, et de nombreuses autres associations de droit international.
Contribution d’Yves Sandoz au droit international
Yves Sandoz est avant tout un éminent spécialiste du droit international humanitaire, au développement duquel il a contribué par de nombreux travaux et publications fondamentaux. Il a aussi œuvré dans le domaine du droit pénal international. La liste de ses publications comprend une bonne centaine de titres (livres, directions de publications, actes de colloques, articles de revues).
Mais il n’est pas qu’un prolifique juriste de bibliothèque, puisqu’il s’est investi personnellement dans l’action, jusque sur le terrain des affrontements, et dans la pratique de la négociation, notamment en tant que membre de la délégation du CICR à la Conférence diplomatique sur la réaffirmation et le développement du droit international humanitaire applicable dans les conflits armés, qui s’est tenue à Genève de 1974 à 1977.
Il a également contribué de manière décisive à la rédaction et à l’édition du Commentaire des Protocoles additionnels du 8 juin 1977 aux Conventions de Genève du 12 août 1949, publié en 1986-1987, dont les 1600 pages sont devenues rapidement une référence obligée en la matière et sont constamment citées, aux quatre coins du monde, tant par les juridictions internes et internationales, que par les organes des Nations Unies et la doctrine.
Yves Sandoz est souvent intervenu dans le cadre de l’élaboration de diverses conventions internationales relatives à l’emploi ou à l’interdiction des armes classiques et non classiques. En 1995, en tant que directeur de la doctrine, Yves Sandoz a participé activement au débat relatif à la licéité de l’emploi ou de la menace des armes nucléaires devant la Cour internationale de Justice de La Haye.
Il s’est également illustré en tant que chef de la délégation du CICR à la Conférence diplomatique de plénipotentiaires des Nations Unies sur la création d’une cour criminelle internationale à Rome, du 15 juin au 17 juillet 1998.
Il est aussi présent dans les médias, bien au-delà de la presse locale dont il contribue fréquemment par ses interventions à élargir les horizons.
Neuchâtel, le 14 mars 2017
Jean-Patrice Hofner, président de la commission du Prix de l’Institut.