Les femmes, en tant que groupe, sont moins nombreuses que les hommes à commettre des infractions, tout en restant susceptibles de perpétrer la même palette de délits. C’est l’une des conclusions auxquelles sont parvenues deux chercheuses du Centre romand de recherche en criminologie de l’Université de Neuchâtel. Véronique Jaquier et Joëlle Vuille ont examiné ce qui distinguait les femmes des hommes dans leurs expériences de violence, les délits commis et leur manière d’exercer des professions judiciaires. Elles livrent leurs conclusions dans l’ouvrage intitulé Les femmes et la question criminelle qui vient de paraître aux éditions Seismo.
Femmes victimes, femmes délinquantes et professionnelles des autorités de poursuite pénale et d’exécution des peines : telles sont les groupes auxquels se sont intéressés la psychologue Véronique Jaquier et la juriste Joëlle Vuille, toutes deux docteures en criminologie. Leur ouvrage est mû par la volonté de recenser pour la première fois en français les écrits sur la question criminelle et les femmes. Mais surtout de mettre en lumière les inégalités de genre qui traversent ces thèmes.
En Europe, ce sont les femmes victimes qui ont avant tout occupé les scientifiques ces dernières décennies. Une mobilisation salutaire sans laquelle les progrès en matière de politique publique et pénale pour rendre visibles les violences faites aux femmes n’auraient pas été réalisés.
En revanche, les connaissances sur la délinquance des femmes restent encore trop lacunaires. Les femmes sont en effet susceptibles de commettre la même palette de crimes et de délits que les hommes. En 2015, près d’un quart des condamnations pour infraction au Code pénal prononcées à l’encontre d’adultes concernait un vol, et les femmes représentaient 19,6 % des personnes condamnées. Plus le vol est violent, moins les femmes le commettent : elles n’étaient ainsi plus que 6,3 % parmi les personnes condamnées pour brigandage.
«En tant que groupe, les femmes sont effectivement moins nombreuses que les hommes à commettre des infractions, en commettent moins fréquem¬ment qu’eux, et leurs infractions sont moins graves que celles des hommes», observe Véronique Jaquier. Ce qui n’empêche pas que l’on retrouve tout de même les femmes dans la statistique des homicides. «En Suisse, près d’un homicide intentionnel sur dix est commis par une femme, une proportion correspondant à la moyenne européenne.»
Dans les prisons, la présence féminine est logiquement encore plus rare. La population carcérale féminine atteignait 5,6 % des personnes emprisonnées en Suisse en 2016. Les recherches disponibles tendent à montrer que les détenues seraient souvent plus âgées que les hommes au moment de leur incarcération, du fait notamment de carrières criminelles moins productives et de moindre gra¬vité que celles des hommes. Mais cette différence d’âge pourrait aussi refléter une plus grande tolérance de la société envers les femmes criminelles, ce qui « retarderait » leur judiciarisation. «Quoi qu’il en soit, comme les femmes sont peu nombreuses dans les chiffres de la criminalité, leurs besoins spécifiques en matière de prise en charge et de resocialisation sont rarement pris en considération. Et ce, bien que leur plus grande vulnérabilité ait été maintes fois attestée.»
Au fil des pages, Véronique Jaquier et Joëlle Vuille déconstruisent caricatures et stéréotypes au profit d’un portrait plus conforme aux connaissances scientifiques. Leur ouvrage décrit les multiples expériences des femmes face au crime, mais aussi le travail que chercheurs et praticiens doivent encore accomplir pour mieux les comprendre.
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