Figure marquante de l’Université pour plusieurs générations d’étudiants, le professeur Jean-Louis Juvet vient de décéder.
Enfant du Val-de-Ruz, Jean-Louis Juvet est né à Fontaines en 1930. Il fréquente l’Ecole de commerce de Neuchâtel en 1946, puis l’Université, où il obtient une licence en sciences économiques en 1953. Après un séjour d’étude à l’Université de Paris, il rentre à Neuchâtel pour rédiger une thèse sur la politique des subventions, soutenue en 1956. Il retournera ensuite à Paris afin d’occuper un poste de fonctionnaire international à l’OECE (Organisation européenne de coopération économique, devenue OCDE), où il participe à la mise en œuvre du Plan Marshall, programme américain d’aide à la reconstruction européenne. Cette expérience cruciale a marqué sa vision du monde, le convaincant tout à la fois de la puissance des Etats-Unis et de la pertinence du projet d’intégration européenne.
La Faculté de droit reconnaît vite le potentiel hors norme du nouveau docteur. Elle lui offre la possibilité d’enseigner l’économie et de poursuivre des recherches. C’est ainsi qu’en 1964, Jean-Louis Juvet est nommé professeur ordinaire ad personam d’économie appliquée, avec le soutien du Fonds national suisse de la recherche scientifique. Sans doute le cadre de la Faculté était-il trop étroit pour permettre à Jean-Louis Juvet d’exprimer toutes ses qualités. Il partagera donc son temps entre Neuchâtel et Paris, à la direction générale du Comité international de la rayonne et des fibres synthétiques. Pendant presque trente ans, il mènera de front cette double carrière d’universitaire neuchâtelois en Suisse et de consultant international en Europe, en particulier à Paris et à Bruxelles.
D’aucuns avaient pu juger la combinaison incongrue, elle fut au contraire extrêmement fructueuse. En effet, les cours de Jean-Louis Juvet se sont constamment alimentés de son expérience pratique. Son réseau international a par ailleurs bénéficié à des générations d’étudiants, à l’Université et au canton.
Personnalité hors pair, Jean-Louis Juvet ne cessera de surprendre en jouant sur les deux tableaux. S’il devient une référence en matière de droit et d’économie internationale, notamment sur les procédures antidumping, il n’oublie jamais ses origines pour autant. Il n’hésitera d’ailleurs pas à se faire fièrement annoncer dans les salons parisiens comme « Monsieur Jean-Louis Juvet, de La Côte-aux-Fées ». Farouchement indépendant, n’hésitant pas à jouer les francs-tireurs contre l’orthodoxie ambiante, il surprendra parfois par ses prises de position très tranchées. Deux lignes fortes auront soutenu sa pensée et son action. D’une part, la défense de son canton et de son Université. Il en sera notamment vice-recteur de 1971 à 1975 et il participera à la création du World Trade Institute dans les années 1990, avant d’assumer la présidence du Centre international d’études du sport alors qu’il était déjà professeur honoraire. D’autre part, il restera toujours très critique, quasiment visionnaire, face à ceux qui détiennent le pouvoir économique, qu’il s’agisse des Etats ou des banques centrales, notamment la BNS. En gardant solidement les pieds sur terre et la tête dans la littérature spécialisée, il saura passionner ses étudiants, dont certains feront de belles carrières dans les institutions que leur maître n’avait jamais hésité à critiquer.
Par sa pensée, ses centres d’intérêt multiples, son enthousiasme, le professeur Juvet a suscité la curiosité des étudiants pour les questions économiques. Il a contribué à la formation d’esprits ouverts et critiques, ainsi qu’à la renommée et au dynamisme de notre Université. Nous lui en sommes reconnaissants.
Jean-Marie Grether, vice-recteur
Claude Jeanrenaud, professeur honoraire