Agriculture biologique, potagers urbains, permaculture, Slow Food, Consom'acteurs: un peu partout dans le monde, des initiatives redéfinissent le rapport entre la production et la consommation de nourriture. A l’Université de Neuchâtel, ces démarches sont étudiées dans le cadre du Programme national de recherche «Alimentation saine et production alimentaire» (PNR 69 du Fonds national suisse). Elles sont aussi au cœur de la table ronde grand public et du colloque spécialisé Food utopias in Switzerland qui se sont tenus en juin au Musée d’ethnographie de Neuchâtel et à l’Institut d’ethnologie.
Autrefois porteurs du grand espoir d'éradiquer la faim dans le monde, les systèmes agroalimentaires classiques, dont les monocultures intensives de céréales en sont un exemple emblématique, font l'objet d'une critique grandissante pour leurs conséquences sanitaires, sociales et environnementales.
Les questions alimentaires cristallisent tous les espoirs de transition vers un monde caractérisé par un rapprochement entre producteurs et consommateurs, dans un objectif de durabilité plus soutenu. Comment dès lors ces utopies agroalimentaires se manifestent-elles en Suisse ? Comment peuvent-elles contribuer à développer des modes de consommation et de production plus sains ou plus durables ? Ce sont là quelques-unes des questions abordées par le colloque.
«Car loin d'être de simples récits porteurs d'espoirs, les utopies agroalimentaires sont aussi porteuses d’une politique contestataire», observent Marion Fresia, Jérémie Forney et Julien Vuilleumier, organisateurs du colloque et chercheurs à l’Institut d’ethnologie. Parce qu'elles incarnent à quoi pourrait ressembler le monde de demain, ces démarches jouissent désormais d'une certaine célébrité médiatique, d'autant plus importante que la grande distribution n’hésite pas à s'emparer des valeurs qu’elles défendent : solidarité, proximité, qualité, ou encore durabilité. Cette nouvelle célébrité, doublée d’une capacité croissante à s'organiser en réseau, a d’ailleurs changé quelques-unes de ces initiatives utopiques en acteurs à part entière du secteur économique.
«A partir d'une approche ethnographique, la conférence propose de dresser un état des lieux des pratiques agroalimentaires suisses inscrites dans un positionnement critique face au système productiviste, indiquent les organisateurs du colloque de l’Université de Neuchâtel. Nous chercherons à en restituer l'hétérogénéité, à en comprendre l'historicité propre au regard du contexte helvétique, mais aussi à en apprécier le potentiel en matière de transformations du sens et du rapport que nous avons à l'alimentation.»