Le mécanisme génétique expliquant la spectaculaire propagation de la septoriose du blé vient d’être mis en évidence par une équipe de recherche suisse. Une première ! Cette maladie figure parmi les principales causes des pertes économiques de production de blé dans le monde. Installé depuis janvier à l’Université de Neuchâtel où il a créé le Laboratoire de génétique évolutive, le professeur Daniel Croll signe là une découverte majeure réalisée avec son équipe à l’EPFZ. Ses travaux ont été publiés dans la revue de l’International Society for Microbial Ecology.
Pour lutter contre les maladies, de nombreux végétaux ont développé un système immunitaire capable de détecter des molécules très spécifiques (de petites protéines) qui signalent à la plante la présence d’un agent pathogène donné. «Le blé dispose d’une série de ‘capteurs’ destinés à repérer Zymoseptoria tritici, le champignon avec lequel nous travaillons», explique Daniel Croll.
Une fois la molécule détectée, la plante peut déclencher de fortes réactions de défense qui empêchent la maladie de se propager. Néanmoins, en quelques décennies, le champignon a évolué à plusieurs reprises pour «tromper» la vigilance du système immunitaire de la plante. Ainsi, une variété de blé auparavant insensible au pathogène est devenue vulnérable en quelques années.
Avec la pulvérisation régulière de fongicides visant le champignon Zymoseptoria tritici, le phénomène a encore pris de l’ampleur. A l’image de ce qui se passe dans la médecine humaine où on observe l’apparition de bactéries multirésistantes aux antibiotiques, le champignon résiste désormais à tous les fongicides disponibles sur le marché.
Perte d’un gène
Avoir pu démontrer la cause exacte de l’apparition de cette résistance au système immunitaire de la plante est une première ! Le champignon la doit à la perte d’un gène, ont constaté les chercheurs. «Ce gène codait pour une protéine-cible du système immunitaire de la plante, indique Daniel Croll. Une fois ce gène perdu, la plante devenait pour ainsi dire ‘aveugle’ vis-à-vis du champignon pathogène.»
De plus, les analyses ont montré que cette adaptation ne se produit pas aléatoirement dans le génome. Elle se manifeste dans un emplacement qui évolue plus rapidement que d’autres régions du génome, ce qui a probablement aidé le pathogène à perdre plus rapidement le gène en question et renforcé son effet dévastateur sur la plante.
Cette découverte illustre pour la première fois comment un plant de blé pourtant résistant à une maladie peut assez facilement être touché par des pathogènes qui ont réussi à s’adapter pour surmonter cette résistance. «A la lumière de ces nouvelles connaissances, nous devrions nous concentrer sur la sélection d’une variété de blé qui empêche le pathogène de simplement perdre un gène, afin de maintenir la résistance de la plante à la maladie», conclut Daniel Croll.