No 141, avril 2017

Université

Chimpanzés et outils: une affaire de famille!

Rouille
Photo: Thibaud Gruber. Une femelle chimpanzé écrase sur une feuille avec l’ongle de son pouce des ectoparasites collectés pendant un épouillage. Son fils tente de recopier ce comportement.

Chez les chimpanzés, les nouvelles techniques se transmettent au sein de la famille. C’est la principale découverte de Noémie Lamon, doctorante au Laboratoire de cognition comparée de l’Université de Neuchâtel, à l’issue d’une étude sur l’utilisation de nouveaux outils dans une communauté de chimpanzés sauvages en Ouganda. Ses résultats sont publiés dans la revue Science Advances.

Vidéo: Noémie Lamon


Les chimpanzés sont connus pour leur capacité à manier des outils pour se nourrir, se nettoyer ou communiquer. A l’image de cailloux utilisés comme marteau et enclume pour casser des noix, certains comportements sont considérés comme culturels dans le sens où seules quelques communautés de chimpanzés en Afrique les possèdent, alors que d’autres non, sans aucune raison écologique ou génétique. En outre, ces comportements se transmettent au sein de la communauté de manière sociale, principalement par l’observation et l’imitation.

Les chimpanzés manient fréquemment des éponges fabriquées à partir de feuilles pliées, et quelquefois mâchées dans la bouche, puis trempées dans une rivière ou dans des trous d’arbre contenant de l’eau de pluie. Mais en 2011, des chercheurs ont remarqué que huit individus de la communauté Sonso prenaient de la mousse au lieu de feuilles et que ce comportement se transmettait socialement. De plus, le site où s’est développée cette nouvelle technique est particulier: il s’agit de deux trous situés dans un sol argileux riche en sels minéraux, souvent fréquentés par les chimpanzés. Mais quand la Valaisanne Noémie Lamon est arrivée sur le terrain en 2012, plus aucun individu ne semblait utiliser de mousse comme éponge. Elle s’est alors demandé si ce savoir persistait à l’état latent.

Pour vérifier cette hypothèse, la doctorante a effectué une expérience en 2014 sur le lieu où la nouvelle technique est apparue. Elle a disposé, dans les arbres situés autour des deux trous, de petites quantités de mousse récoltées un peu plus loin, en espérant stimuler la fabrication d’éponges en mousse chez des singes qui auraient appris la technique entre 2011 et 2014. Elle a alors constaté que ce comportement s’est propagé à dix-sept autres membres de la communauté, tout en soulignant que cette propagation n’était pas aléatoire.

«Nous avons observé que la transmission de ce savoir, après l’acquisition de cette technique par les huit premiers individus en 2011, se passe avant tout en famille, relève Noémie Lamon. Ce cas est d’autant plus intéressant que ces connaissances n’ont pas forcément été transmises de la mère aux enfants, mais très probablement des enfants à la mère, qui est normalement la première source d’informations pour les jeunes chimpanzés.»

Cette découverte laisse penser que la transmission d’outils rudimentaires chez les premiers humains devait aussi se dérouler principalement au sein de la famille, car ces derniers possédaient des répertoires culturels très similaires aux chimpanzés.

Revue de presse


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