Pour la première fois en Suisse, l’effet des caméras de surveillance sur la vie d’un quartier a fait l’objet d’une étude approfondie et de longue durée. Elle a été conduite par l’Institut de géographie de l’Université de Neuchâtel (UniNE). Suite à l’installation de 29 caméras aux Pâquis, à Genève, il s’agissait d’évaluer l’efficacité du système sur la sécurité et la qualité de vie des habitants, ainsi que ses effets secondaires positifs ou négatifs. Le rapport final de cette évaluation réalisée sur mandat de l’Etat de Genève a été publié récemment après deux ans de travaux.
L’étude associant des enquêtes par questionnaire, des entretiens avec les acteurs, l’analyse de statistiques ainsi que des observations de terrain portait sur cinq axes: efficacité du dispositif pour la prévention, limites et apports opérationnels de l’outil, utilité pour le travail policier d’élucidation, influence sur le sentiment de sécurité et effets sur la qualité de vie dans le quartier.
En ce qui concerne l’effet préventif des caméras, les statistiques policières ne permettent pas de conclure à une baisse de la criminalité. Les infractions sur lesquelles les caméras auraient pu avoir une influence dissuasive ont même un peu augmenté (+15%) dans la période étudiée, sauf une légère réduction des vols et agressions répertoriés. Les caméras n’ont en général pas engendré de déplacements de la criminalité dans les rues voisines qui n’étaient pas vidéo-surveillées, à l’exception du trafic de stupéfiants où un «effet plumeau» a été constaté, ainsi que de nouvelles stratégies d’évitement (angles non-filmés, véhicules, halls d’entrée ou cours d’immeubles).
Sur le plan opérationnel, les avis des policiers et des opérateurs sont favorables malgré certaines limites du système. L’étude met particulièrement en évidence l’importance de la formation des opérateurs. Les caméras sont utilisées comme un outil complémentaire qui ne permet pas de s’affranchir d’un travail sur le terrain. L’élucidation des infractions profite quant à elle d’un nouvel instrument pour identifier des auteurs ou comprendre les faits. Néanmoins, d’un point de vue quantitatif, l’extraction d’images reste relativement peu utilisée. Les chiffres indiquent que 89 extractions d’images ont été réalisées pour la zone pilote, représentant 3,1 extractions par caméra durant les deux années de l’évaluation. Le taux d’élucidation a en outre eu tendance à s’accroître légèrement pendant la durée du mandat, sans qu’il soit possible de quantifier la part des caméras dans cette évolution.
Le volet de l’étude qui s’intéresse aux conséquences sur la population du quartier montre que le sentiment de sécurité s’est renforcé chez environ un tiers des personnes interrogées, surtout la nuit. Le rapport final relève que cet effet positif s’est un peu étiolé après deux ans, parallèlement au recul de la médiatisation des caméras. Il faudrait pouvoir continuer l’évaluation pour savoir si le sentiment de sécurité reste durablement plus élevé qu’avant ou s’il revient à la case départ après quelque temps.
S’agissant de la qualité de vie, l’effet principal est le déplacement et une discrétion accrue du trafic de stupéfiants. 44% des personnes interrogées estiment que la présence du dispositif a eu des conséquences positives sur l’image des Pâquis, 35% ont un avis neutre et 15% un avis contraire. De manière générale, le caractère récréatif du quartier et la vie nocturne – y compris la prostitution – ne sont pas considérés comme des générateurs de nuisances, au contraire des magasins ouverts 24/24h (les «dépanneurs») qui recueillent plus d’avis défavorables. Lorsqu’on leur demande comment améliorer la qualité de vie et la sécurité dans le quartier, les répondants privilégient la présence humaine et les mesures en termes d’infrastructures (éclairage public) par rapport à une extension du dispositif de caméras.
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