Cette année la SHAN a le grand plaisir de décerner le prix Bachelin à Mme Géraldine Delley, docteure en archéologie et chargée de recherche FNS au Laténium, et à M. Régis Huguenin, docteur en histoire et conservateur du Musée international d’horlogerie de La Chaux-de-Fonds. Le prix Kunz est remis au jeune chercheur de l’Université de Neuchâtel M. Benjamin Thiévent.
Le prix Kunz honore le travail de Benjamin Thiévent qui vise à aller au-delà de l’étiquette folklorique que peuvent parfois revêtir les fanfares villageoises. Avec brio, l’auteur parvient à saisir les mutations de la société ajoulote, à travers ses ensembles musicaux politisés, entre 1894 et 1939. Les résultats de l’analyse sont dérangeants et indiquent un degré d’attachement politique variable, selon la nature du document considéré (bannières, uniformes, discours, affiches). Ce travail se place également dans une perspective de sensibilisation patrimoniale, puisqu’il a permis de retrouver un nombre important de bannières d’associations musicales. Enfin, en voulant appréhender les conflits politiques par l’étude du fonctionnement des fanfares, l’enquête renvoie au processus de création de la République et canton du Jura et à sa résonance dans les districts du Sud. L’intelligence de la démarche fera date et sa reprise risque de réserver quelques bonnes surprises aux futurs historiennes et historiens.
Le prix Bachelin est décerné à Mme Géraldine Delley pour son livre Au-delà des chronologies. Des origines du radiocarbone et de la dendrochronologie à leur intégration dans les recherches lacustres suisses, tiré d’une thèse de doctorat soutenue en 2014. À l’exemple de l’importation dans la discipline de techniques empruntées à la physique nucléaire et à la botanique, l’enquête renouvelle profondément l’histoire des pratiques savantes au sein du champ de l’archéologie préhistorique. L’analyse précise des luttes de position déclenchées par ce bouleversement des méthodes élève ce livre au rang de référence incontournable dans la discipline.
M. Régis Huguenin reçoit quant à lui le prix Bachelin pour L’univers visuel de Suchard (1945-1990). Des images de l’entreprise à l’image d’entreprise, ouvrage tiré d’une thèse de doctorat soutenue en 2012. L’approche inédite de l’histoire de Suchard par le truchement des images que produisent les services de l’entreprise renouvelle la connaissance des pratiques publicitaires de la marque et éclaire la manière dont Suchard se met en scène. La maîtrise du recours aux images comme sources dont fait preuve l’auteur, trop rare dans son domaine, est à saluer : on ne peut que souhaiter de voir appliquer sa méthode d’analyse iconographique à l’histoire d’autres marques et entreprises.
Le jury a décidé à l’unanimité que les deux ouvrages, combinant maîtrise des terrains abordés et originalité des hypothèses et de la méthode, méritaient le prix ex aequo. Il salue aussi la capacité des auteurs à développer leur propos au moyen d’une écriture qui, sans rien sacrifier à la rigueur scientifique, rend la lecture agréable et stimulante tant pour le spécialiste chevronné que pour le lecteur intéressé. Par la reconnaissance de l’excellence des travaux récompensés, le jury a enfin voulu encourager les carrières respectives de deux chercheurs très prometteurs.