No 185, décembre 2022

Actualité

Ligne de Partages : un spectacle pour soigner nos relations transfrontalières

Illustration frontière

Quelles dynamiques sont à l’œuvre d’un côté et de l’autre de la frontière franco-suisse ? Quelles identités se construisent en miroir ? Depuis 2021, une équipe d’anthropologues et d’artistes suisses et français va à la rencontre des habitant-e-s de l’Arc jurassien pour récolter leurs expériences et ressentis. Ces récits sont à découvrir lors d’une «veillée participative», mêlant images, chant, jeux et débats, le 26 novembre prochain, à Boncourt. Intitulé «Ligne de Partages», ce spectacle mosaïque est organisé par l’association Vivre la frontière (CH) et la Cie Gravitation (FR).

Ligne de Partages est bien plus qu’un spectacle. C’est avant tout un projet au long cours qui a pour but de questionner sur la durée la frontière franco-suisse dans l’Arc jurassien, d’aller au-delà des stéréotypes et des tensions qu’elle génère, pour faire émerger ce qui rassemble. Car, en même temps qu’elle sépare, la frontière produit des relations, des échanges culturels, économiques et politiques, qui font émerger à leur tour «un troisième territoire, qui les relierait en s’y superposant en filigrane».

C’est aussi un projet ambitieux, puisqu’il mêle science et art. Accompagnés du metteur en scène français Jean-Charles Thomas (Cie Gravitation) et du dramaturge-ethnologue suisse Nicolas Yazgi, les anthropologues Ellen Hertz et Alice Sala (UniNE), le géographe Alexandre Moine et le sociologue Christian Guinchard (Université de Franche-Comté) explorent depuis 2021 le territoire frontalier. «L’Arc jurassien est composé de micro-régions dotées de caractéristiques propres, relève Ellen Hertz. La région de Delle (F) -Boncourt (JU) sur laquelle nous nous sommes concentrés lors de cette deuxième phase est différente de celle de Morteau – Le Locle – La Chaux-de-Fonds étudiée en 2021 : il s’agit d’un espace urbain en continuité, plus concentré que le premier. Il a aussi une histoire commune, liée à l’industrie du tabac, avec la fabrique Burrus, qui est sur le point de fermer ses portes. Il y a donc davantage d’interactions mais aussi de disparités de part et d’autre de la frontière.» Pour ce deuxième terrain d’étude qui a pour thématique «Soigner la frontière», l’équipe a choisi de donner la parole aux femmes : «Nous nous sommes approchés des infirmières et aides-soignantes de Delle et de Boncourt, qui travaillent dans une des trois résidences pour personnes âgées de la commune jurassienne pour comprendre ce que cela suscite de prendre soin des aîné-e-s d’un autre pays que le sien.»

Pour permettre à la population de découvrir les résultats de ces nouvelles «moissons», une «veillée participative» a été organisée. Il s’agit de la deuxième du genre, la première ayant eu lieu en novembre 2021 à Morteau : «La veillée est une forme de théâtre participatif qui permet d’interagir avec le public», précise Ellen Hertz. Extraits d’interviews filmés, photographies, musique avec la participation de la fanfare de Boncourt et de la chorale de Delle, animations théâtrales… «Notre objectif est de générer une multitude de liens entre la France et la Suisse, de faciliter les échanges culturels, pour créer à terme un archipel de lieux d’échange.»

Ce projet transfrontalier et multidisciplinaire est porté par la Cie théâtrale Gravitation, à Besançon, et Vivre la Frontière, une association suisse fondée en 2019 pour promouvoir, via des événements culturels, la recherche-action artistique autour des tensions, des revendications et des formes de coopération existant le long de la frontière franco-suisse de l’Arc jurassien.

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