No 176, mai 2021

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A l'honneur

«Professeur? Mon dreamjob !»

Rencontre avec Florian Weigert, professeur de gestion des risques financiers

Florian Weigert
Bio express

Florian Weigert est professeur ordinaire de gestion des risques financiers à l'Université de Neuchâtel. Il a suivi ses études en Allemagne: Master à l’Université d’Erlangen-Nuremberg, doctorat à l’Université de Mannheim en 2014. Engagé comme professeur assistant en finance à l’Université de Saint-Gall la même année, il a également été chercheur invité dans plusieurs universités américaines (New York, Georgetown, Georgia State University, Texas University à Austin). Il travaille pour l’UniNE depuis 2020.

Domaines d’expertise
  • Evaluation empirique des actifs financiers
  • Fonds spéculatifs
  • Finance comportementale
Liens :
«Gestion active ou passive: quel est le meilleur système d'investissement ?», c’est le titre de la leçon inaugurale en ligne que Florian Weigert, professeur ordinaire de gestion des risques financiers a donnée – en anglais – le 26 mai dernier. Entretien.

Faut-il laisser les experts jouer avec notre argent, et, plus ils boursicoteront activement, vendant, achetant, revendant, plus notre magot enflera pour nous assurer une fortune rondelette ?

Et bien cela n’est pas si évident que ça… Florian Weigert accumule les «datas» pour comprendre où est vraiment l’intérêt de celles et ceux qui placent leur argent.

Florian Weigert, osons commencer de façon basique: qu’est-ce que la gestion active et la gestion passive de placements ?
Prenons le cas d’une personne privée, qui veut placer son argent dans la perspective de la retraite, par exemple. Elle a la possibilité d’investir dans ce qu’on appelle des fonds de placement, des vecteurs d’investissement qui mêlent différents types de placements – actions, obligations, devises, etc. C’est donc une solution combinée, souvent choisie.

Il y a deux façons de gérer ces fonds. La première, c’est le management actif: le gestionnaire de fonds va placer les éléments qui constituent ce fond en visant à obtenir des performances supérieures à ce qu’elles seraient en laissant les choses suivre leur cours normal. En fonction de l’évolution du marché, cette personne va investir si une action monte, va la vendre si son cours baisse, de manière à augmenter le profit. Par contre, dans le cas des fonds passifs, ceux-ci ne font que refléter les courbes des index boursiers, en Suisse le Swiss Market Index (SMI), sans aucune intervention extérieure.

J’essaie d’évaluer ce qui est le mieux. Spontanément, on pense que la gestion active est meilleure, puisque l’intelligence du gestionnaire de fonds est censée faire des merveilles. Mais en moyenne, ce n’est pas le cas! C’est donc une chose importante à savoir pour les investisseurs…

Les gestionnaires de fonds ne feraient-ils alors pas mieux de changer de job ?
En fait, la question est: pourquoi est-ce si difficile de faire mieux, alors que normalement, ces gens sont intelligents et bien formés ? Il y a une explication financière à cela, c’est la théorie du «marché efficient». Il est très difficile d’avoir des résultats anormalement bons, parce que toutes les informations sont déjà intégrées par les bourses. Il n’est donc pas possible d’avoir des informations additionnelles.

Il y a aussi ce qu’on appelle «l’arithmétique de la gestion active»: si un trader gagne sur une action, un autre y perd. En moyenne, le bilan reste donc le même que celui de la gestion passive. Dernier point, la gestion active entraîne, pour le client, des coûts supérieurs à ceux de la gestion passive. Ces coûts additionnels participent donc au fait que la gestion active ne soit pas particulièrement rentable pour les investisseurs.

Sur quelles bases reposent vos recherches ?
J’utilise des analyses statistiques, des «datas», pour évaluer différents types de fonds, aux USA surtout, mais aussi des fonds internationaux en Suisse, en France, en Allemagne… L’image qui se dégage est très similaire d’un pays à l’autre: pour un investisseur standard, la gestion passive est plus rentable.

Si la réponse est si claire, pourquoi les banques continuent-elles de proposer des fonds de placement gérés activement ?
Parce que si, en moyenne, les fonds actifs ne sont pas plus performants que les fonds passifs, cela n’exclut pas que certains le soient. La difficulté est de savoir les identifier. Et il y a une autre raison, qui relève, celle-ci, du marketing bancaire. Les banques visent à gagner de l’argent. Et elles auront donc tendance à proposer les produits les plus chers. Le gestionnaire de fonds expérimenté est une plus-value qui se paie. Les banques vont donc essayer de vous vendre le produit le plus cher, mais il ne sera pas nécessairement le meilleur produit pour vous.

Enfant, pensiez-vous déjà à la bourse et aux banques, ou rêviez-vous à un autre métier ?
J’aurais adoré devenir un joueur de tennis professionnel! Je passais mon temps à regarder le tennis à la télévision, j’ai fait beaucoup de tournois, mais un jour, j’ai réalisé que je n’étais pas assez bon pour en faire mon métier. Par contre, j’étais assez doué en maths comme dans la compréhension de textes économiques. Je suis donc parti dans cette direction. Mais je joue toujours au tennis, une fois par semaine!

Qu’est-ce qui vous passionne le plus dans vos recherches et dans l’enseignement qui y est lié ?
Le métier de professeur est vraiment très épanouissant. C’est mon «dreamjob», je ne voudrais pas faire autre chose. Dans le cadre de la recherche, j’aime travailler sur ce qui m’intéresse vraiment. Cela ressemble parfois plus à un hobby qu’à une profession: j’aime lire des ouvrages sur les fonds de placement, les investissements, même pendant mon temps libre, donc cela se combine très bien. Il y a peu de métiers où l’on ne peut se consacrer qu’à des choses qui nous intéressent vraiment!

Pour revenir à l’enseignement, j’apprécie particulièrement les contacts personnels avec les étudiantes et les étudiants, ce qui est particulièrement mis en valeur à Neuchâtel, où les classes sont petites. A Saint-Gall, j’enseignais devant 150 personnes. Ici, devant vingt ou trente. Ce qui permet un tout autre suivi, personnalisé, qui n’est pas possible ailleurs. J’apprécie de les voir se développer, de voir l’évolution entre leur arrivée et leur départ, ce moment où elles et ils ressortent de l’université avec la conscience de ce qu’elle leur a apporté.

Un livre qui a participé à vous construire lorsque vous étiez enfant ou adolescent ?
Je ne me souviens pas d’un livre en particulier lié à cette période. Ce que je peux dire, c’est que depuis plusieurs années, je m’intéresse beaucoup à tout ce qui relève de la psychologie, et en particulier à la façon dont le cerveau des gens fonctionne, justement par rapport à la finance, aux placements, au trading, et comment utiliser cela dans le cadre de la recherche en finance ou en économie.

Quelle est la musique qui vous accompagne en général ?
La musique est très présente pour moi, je joue du piano et de la guitare, d’ailleurs. Et j’écoute de la musique tout le temps ! En travaillant, de l’électro, cela me relaxe et me permet une bonne concentration. Quand je cours, ce sera plutôt du hip-hop, de la musique dynamique. Et j’écoute assez régulièrement de la musique classique également. Quand je regarde mon compte Spotify, c’est tellement diversifié que je pense que même Spotify n’y comprend rien !

Le souvenir d’un moment particulièrement fort pour vous dans le cadre universitaire – en tant que professeur ou en tant qu’étudiant ?
Je dirais le moment où j’ai obtenu mon doctorat. Cette impression d’avoir accompli quelque chose, de pouvoir être fier de moi après quatre ou cinq ans de travail pour l’obtenir. Cela m’a confirmé dans le sentiment que j’aimais l’université, et que je voulais continuer sur ce chemin.

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