No 177, juin 2021

Actualité

Histoire : le culte des images religieuses en Occident

image religieuse

Gravure sur bois, anonyme, publiée dans Jakob Issickemer, Das buchlein der zuflucht zu Maria der muter gottes in alten Oding, s. l. n. d. [Nuremberg, Kaspar Hochfeder, 1497], frontispice.


Référence bibliographique :
Nicolas Balzamo, Les êtres artificiels. Essai sur le culte des images en Occident, XIVe – XVIIe siècle, Editions du Cerf, 2021 www.editionsducerf.fr/librairie/livre/19238/les-etres-artificiels

Nicolas Balzamo participera à l'émission Tribu sur RTS La 1ère le 24 août prochain.

A l’heure où la relation entre images et religion reste sensible pour certaines confessions, Nicolas Balzamo, historien à l’Université de Neuchâtel (UniNE), s’est penché sur le statut des images sacrées dans le christianisme occidental et sur le culte dont elles faisaient l’objet, du XIVe au XVIIe siècle. Il en a tiré un essai intitulé Les êtres artificiels, publié aux Éditions du Cerf.

La relation entre images et religion est toujours d’actualité, souligne d’emblée le maître-assistant à l’Institut d’histoire de l’UniNE. «Il suffit de songer à la destruction des bouddhas de Bamiyan par les talibans en 2001, ou à l’affaire des caricatures de Mahomet.» Dans l’histoire du christianisme qu’étudie Nicolas Balzamo, la représentation figurée des êtres célestes (Dieu, le Christ, la Vierge Marie, les saints) a été un sujet de débats depuis l’Antiquité jusqu’à l’époque moderne.

Elle a généré des conflits qui n’avaient rien d’anecdotique : le monde byzantin a été déchiré par une véritable guerre civile aux VIIe-VIIIe siècles qui a opposé défenseurs et adversaires des icônes. Aux XVIe-XVIIe siècles, la question des images a été au cœur de l’opposition entre catholiques et protestants. Elle a provoqué des violences qui ont touché aussi bien les objets, par des actes iconoclastes, que les personnes.

L’émergence de conflits étonne moins lorsque l’on connaît la nature des relations que les fidèles pouvaient entretenir avec ces images. Bien qu’il s’agisse d’objets fabriqués par la main de l’homme (d’où le choix du qualificatif «artificiel» dans le titre), Nicolas Balzamo relève que «bien souvent les fidèles interagissaient avec ces objets exactement comme avec des êtres humains : ils leur parlaient, leur demandaient des choses, les invectivaient, voire les maltraitaient. C’est ce paradoxe – des objets que l’on traite comme s’ils étaient des êtres vivants – que j’ai voulu souligner.»

Ainsi, avoir une dévotion préférentielle pour une image plutôt que pour une autre, au point, par exemple, de faire un pèlerinage pour aller la vénérer, posait problème. Ce type de comportement allait à l’encontre de la doctrine du culte des images, telle qu’elle avait été fixée par les théologiens médiévaux : en postulant que l’image n’est qu’un signe qui renvoie à l’être qu’elle représente (Dieu, le Christ, un saint), cette doctrine établissait que toutes les images se valaient et étaient égales.

A cet égard, les représentations de la Vierge Marie tiennent une place particulière. La théologie chrétienne postulant que la Vierge a été élevée au ciel en esprit mais aussi en corps, il y a donc absence de reliques corporelles. Pour y remédier, les fidèles ont reporté leur dévotion sur les images qui la représentaient. Ceci explique qu’à partir de la fin du Moyen Âge, les pèlerinages centrés sur une image de la Vierge – statue, fresque, tableau – sont allés en se multipliant.

Nicolas Balzamo en conclut que le culte des images s’est rapidement émancipé du cadre théorique élaboré par les théologiens et qu’il a pris des formes difficilement conciliables les principes qui le légitimaient. De leur côté, les théologiens et les dignitaires de l’Eglise se sont retrouvés confrontés à un choix difficile : adapter la théorie à la pratique ou bien plier la pratique à la théorie.

Aujourd’hui, au point de vue théorique, la question des images ne revêt plus, dans le christianisme, l’importance qu’elle a pu avoir par le passé – à la différence de l’islam, où elle reste bien présente. Pour autant, la vénération des images reste un aspect important de la pratique religieuse dans certains pays catholiques (Espagne et Italie, Amérique latine), ainsi que dans le monde orthodoxe (Grèce et Russie notamment). Dans ces pays, de nombreux fidèles continuent à vouer un culte préférentiel à certaines images bien précises, à faire des pèlerinages pour aller vénérer telle icône ou telle statue réputée et à leur attribuer des miracles.


Bureau presse et promotion
Fbg de l'Hôpital 41
2000 Neuchâtel
bureau.presse@unine.ch
facebook
twitter
youtube
linkedin
linkedin