No 175, avril 2021

Actualité

Le hêtre, facteur de multiplication des tiques

tique

Plus un hêtre produit de graines, plus le nombre de rongeurs qui s’en nourrissent croît et plus la densité de tiques infectées par la borréliose de Lyme va augmenter dans les deux ans qui suivent. La découverte de cette sinistre chaîne vertueuse ressort d’une étude menée à l’Université de Neuchâtel sur l’abondance des tiques dans la montagne de Chaumont (NE). Elle a fait l’objet d’un article dans la revue scientifique Parasites and Vectors.

La borréliose de Lyme est une infection bactérienne véhiculée par les tiques. Son incidence, tout comme celle des autres maladies transmises par ces ectoparasites, est en constante augmentation en Europe et en Amérique du Nord. Le lien entre les hêtres et cette maladie constitue une étape importante pour la recherche.

«Il s'agit de la première étude en Europe à démontrer que la production de graines par des arbres à feuilles caduques influence la densité des nymphes infectées par B. burgdorferi et donc le risque de borréliose de Lyme», note Cindy Bregnard, première auteure de l’article et doctorante au Laboratoire d'écologie et d'épidémiologie parasitaires de l’Université de Neuchâtel, sous la supervision de Maarten Voordouw, aujourd’hui professeur assistant au Canada.

Cette découverte résulte de l’analyse d’un ensemble de données relevées pendant quinze ans. Elle porte sur l'abondance des tiques Ixodes ricinus provenant de quatre sites d'altitude différente sur la montagne de Chaumont, un sommet du Jura, qui surplombe la Faculté des sciences. Elle repose sur une collecte réalisée chaque mois entre 2004 et 2018 par les prédécesseurs de la jeune biologiste, dont la professeure honoraire Lise Gern et le technicien Olivier Rais.

Ainsi, il apparaît que la production de graines par les hêtres est associée à une augmentation, deux ans plus tard, de la densité de tiques infectées par la bactérie de la maladie de Lyme. Cela s’explique assez logiquement. Si le nombre de graines au cours d’une saison augmente, alors l'abondance des rongeurs qui sont les principaux hôtes des tiques croît également au cours de l'année suivante, ce qui en fin de compte augmente la densité des nymphes d'Ixodes ricinus, mais deux ans plus tard. Le constat est d’autant plus fort en période de flambée de production de graines, un phénomène appelé "masting". Le passage entre une production de graines très basse et le niveau le plus élevé fait pratiquement doubler la densité des nymphes infectées.

Ceci fait dire aux auteurs de l’article que leur résultat peut avoir une portée prédictive. «Chaque année, en Suisse et ailleurs en Europe, les experts en santé publique se demandent si cette année sera une mauvaise année pour les tiques. Nous avons maintenant une réponse. Il y aura beaucoup de tiques si les hêtres ont produit beaucoup de graines deux ans auparavant.»

Bien que l’étude n’ait ciblé que les pathogènes liés à la maladie de Lyme (la bactérie B. burgdorferi), on peut supposer que l’augmentation de la densité de tiques observée implique aussi une augmentation du risque de contracter d’autres maladies transmises par I. ricinus, comme par exemple l’encéphalite à tiques, qui est d’origine virale.

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