No 164, février 2020

Université

Plantes et climat : des problèmes en altitude

Plantain

Le réchauffement climatique permet la germination et la croissance de certaines plantes à plus haute altitude. Mais les microorganismes du sol habituellement associés à ces espèces végétales ne se retrouvent pas forcément dans la nouvelle niche écologique. Une thèse de doctorat de l’Université de Neuchâtel soutenue en janvier par Ludovico Formenti a mis en évidence ce phénomène qui pourrait présenter des conséquences négatives à long terme pour la vigueur des plantes.

Les microbes du sol, comprenant des bactéries et des champignons, sont indispensables à la bonne santé et à la croissance des plantes. Ils forment des interactions qui profitent tant à eux-mêmes qu’aux végétaux. Dans sa thèse réalisée au Laboratoire d’écologie fonctionnelle sous la direction du professeur Sergio Rasmann, le biologiste Ludovico Formenti a passé en revue l’environnement microbien du plantain, une herbe commune que l’on trouve un peu partout dans nos régions. La nouveauté de l’approche réside dans l’étude combinée des facteurs climatiques et des organismes microbiens du sol influençant à la fois la croissance et la défense des plantes.

Premier constat : les microorganismes associés aux racines (RAMs) de Plantago major affectent l’apparence physique et chimique des spécimens qui ont pu migrer jusqu’à presque 2000 m d’altitude, en raison du réchauffement climatique. «J’ai pu confirmer que les conditions climatiques régulaient les caractéristiques de croissance de P. major, indique Ludovico Formenti. Par contre, j’ai aussi constaté que les RAMs de la même altitude que les plantes favorisaient plus la croissance des populations de P. major, alors que les défenses chimiques étaient, elles, globalement plus élevées en présence de microbes de basse altitude.»

Ces résultats indiquent que si le plantain peut s’établir en altitude, les microbes qui lui étaient bénéfiques en plaine ne se retrouvent pas dans ce nouvel environnement. Un découplage préoccupant pour les biologistes, car ces microbes, connus pour augmenter la vigueur de la plante, peuvent aussi activer des gènes associés aux défenses chimiques naturelles leur permettant de lutter contre les ravageurs herbivores, ou pour résister aux agressions de l’environnement, comme des sécheresses ou des excès d’eau.

Ludovico Formenti s’est également intéressé plus particulièrement à un autre acteur bien connu du monde microbien souterrain : les champignons mycorhiziens vivant en symbiose avec des plantes, via des filaments qu’ils agrippent autour des racines. Ils facilitent ainsi à la plante l’accès aux nutriments du sol. En échange, la plante offre aux champignons du sucre provenant de la photosynthèse. En analysant 24 espèces de plantain, le biologiste a montré qu’en plusieurs millions d’années d’évolution, les plantes ont de moins en moins eu besoin des mycorhizes pour grandir ou pour se défendre contre les herbivores. «Cette découverte majeure soulève la question de savoir comment, en dépit de ce constat, cette symbiose est parvenue à se maintenir au cours de l’histoire de la terre. Les mycorhizes concernent en effet, aujourd’hui encore, 80% des espèces végétales», relève Sergio Rasmann.

L’ensemble de cette thèse s’inscrit dans une meilleure compréhension des interactions qui se jouent au niveau des racines dans l’adaptation des plantes à des nouvelles conditions environnementales.

Revue de presse


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