No 136, septembre 2016

Université

Stratégie gagnant-gagnant entre guêpes et plantes

Guêpes
Une des guêpes parasitoïdes étudiées: Cotesia glomerata
Photo : Neil Villard (FARCE, UniNE)

Certaines plantes émettent des signaux odorants qui aident de petites guêpes à trouver des partenaires sexuels. De leur côté, ces mêmes guêpes, dites parasitoïdes, pondent leurs œufs dans des chenilles qui attaquent ces végétaux. Cette stratégie gagnant-gagnant renforcerait les défenses naturelles des cultures comme le maïs ou le chou. Elle a été mise en évidence par Hao Xu, doctorant à l’Université de Neuchâtel, et ses collègues du Laboratoire pour la recherche fondamentale et appliquée en écologie chimique (FARCE) dirigé par Ted Turlings. Leurs travaux sont publiés dans la revue scientifique Plant, Cell & Environment.

On les appelle les HIPVs, contraction anglaise pour herbivore-induced plant volatiles. Cette abréviation désigne les substances volatiles qu’émettent les plantes quand elles sont attaquées par des insectes herbivores. Le laboratoire FARCE de l’Université de Neuchâtel a déjà montré par le passé leur rôle dans la défense naturelle des végétaux contre les ravageurs. Avec, par exemple, cette faculté du maïs à lancer des appels à l’aide odorants afin d’attirer des guêpes parasitoïdes qui vont déposer des œufs dans des chenilles dévoreuses de feuilles. Ce système assure une protection indirecte de la plante, selon l’adage «les ennemis de nos ennemis sont nos amis».

Spécialisé dans les interactions entre plantes et insectes, le laboratoire neuchâtelois dévoile aujourd’hui une nouvelle subtilité du système. Des guêpes parasitoïdes exploitent des substances odorantes émises par la plante, qui, en combinaison avec des phéromones sexuelles, les aident à trouver un partenaire.

«C’est la première fois à notre connaissance qu’une étude s’intéresse au rôle des HIPVs dans la localisation de partenaires d’insectes parasitoïdes, relève Ted Turlings. Ce rôle a été confirmé, avec plus ou moins d’importance, pour quatre espèces de guêpes parasitoïdes, ce qui nous permet d’en tirer quelques conclusions générales. Mais aussi de souligner les différences entre les espèces dans leur stratégie de recherche de partenaires sexuels et de chenilles dans lesquelles les guêpes déposent leurs œufs.»

Ainsi, une seule des quatre guêpes examinées, Microplitis mediator, n’utilisait a priori que les signaux provenant de la plante pour trouver des partenaires. En effet, aucune implication de phéromones sexuelles n’a pu être mise en évidence dans ce cas. Une bonne nouvelle pour les maraîchers, sachant que cette petite guêpe s’attaque à la noctuelle du chou, un ravageur notoire de la famille des crucifères Brassicaceae. Les trois autres espèces, elles, avaient besoin d’un mélange entre phéromones sexuelles et HIPVs pour leur quête de partenaires.

Pourquoi ces différences? «Chaque espèce, en fonction de sa nature, exploite les volatiles produits par la plante de manière à assurer au mieux le succès de sa reproduction, répond Ted Turlings. Les guêpes solitaires par exemple ne comptent qu’un seul individu par plante hôte. Elles doivent s’aventurer loin de celle-ci pour trouver un partenaire, ce qui les incite à davantage compter sur des substances volatiles d’origine végétale. Ceci est moins le cas pour les espèces grégaires qui disposent de plusieurs individus par plante hôte. Chaque individu peut ainsi attendre aux alentours de la plante hôte l’arrivée d’un partenaire sexuel originaire de la même plante. Logiquement, les espèces grégaires tirent moins profit des substances volatiles émises par la plante pour trouver des partenaires.»

Plus généralement, cette étude démontre que la recherche d’hôte et de partenaires reste, pour les guêpes parasitoïdes, des processus olfactivement liés, un phénomène qui n’avait jamais été observé auparavant.

Pour en savoir plus : Combined use of herbivore-induced plant volatiles and sex pheromones for mate location in braconid parasitoids

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