Métaphysique : le temps des philosophes
Comment concilier le temps défini par la physique théorique avec celui que tout un chacun perçoit au quotidien ? Un atelier de philosophie réunissant un panel international de spécialistes a exposé ses réflexions à l’invitation de Fabrice Correia, professeur à l’Université de Neuchâtel (UniNE). Un événement qui marque une étape du projet «Métaphysique du temps et ses occupants». Dirigé par Fabrice Correia, ce projet avait reçu en août 2015, au terme d’une mise au concours, un soutien du Fonds national suisse de 1,4 million de francs pour une période de cinq ans.
Selon notre conception ordinaire des choses, la position occupée par un événement et l’instant où il se déroule sont absolus, ils ne dépendent pas d’un observateur ou d’une perspective d’observation particuliers. Toujours selon cette conception, les objets qui sont localisés dans l’espace ont toujours une position et une vitesse bien déterminées, rappelle Fabrice Correia, titulaire de la Chaire de logique et de philosophie contemporaine.
Mais, selon la théorie de la relativité d’Einstein, il n’y a pas de choses telles qu’une position absolue ou qu’un instant absolu et, qui plus est, les distances spatiales et temporelles entre événements varient selon les observateurs. De plus, en physique quantique, sitôt qu’on se situe à l’échelle des atomes, il devient impossible de décrire avec exactitude à la fois la position d’un objet à un instant donné et sa vitesse à cet instant. La mesure des positions et des vitesses devient probabiliste et n’est plus une valeur absolue, que l’on peut obtenir au moyen de règles et d’horloges.
Ces conceptions contre-intuitives du temps interpellent une branche particulière de la philosophie : la métaphysique, qui s’intéresse à la structure du monde et à son fonctionnement. «Notre approche s’interroge sur la manière de faire cadrer le temps des physiciens avec une conception intuitive du temps», indique Fabrice Correia.
Cette différence entre le temps des physiciens et celui du quotidien n’est pas sans rappeler les réflexions traitant du corps et de l’esprit. On sait aujourd’hui qu’il y a des liens entre les phénomènes mentaux et le métabolisme du corps, et selon une théorie populaire, les premiers «dérivent» de ce dernier. Il est tentant d’en tirer un parallèle pour la théorie du temps, où le corps serait le temps du physicien et l’esprit, le temps du quotidien. Et c’est le rôle des philosophes que de tenter de tisser les liens entre les deux, objet de l’atelier organisé à l’Université de Neuchâtel. Y ont pris part des philosophes des universités d’Oxford (UK), de Birmingham (UK), de Hambourg (D) et de Toronto (Can).