Reconnaissance faciale : souriez pour ne pas être identifié !
Afficher un sourire ou un regard triste perturbe l’identification d’un individu. Pourquoi? L’explication serait à chercher du côté de l’organisation des neurones impliqués dans la reconnaissance de différentes caractéristiques d’un visage. C’est ce qui ressort d’une simulation informatique réalisée par Christoph Dahl, chercheur au Laboratoire de cognition comparée de l’Université de Neuchâtel, et ses collègues de Chine, Taïwan et Allemagne. Leurs résultats sont publiés dans la revue Scientific Report.
«Un système de reconnaissance faciale performant doit pouvoir évaluer l'identité d’un visage, mais aussi son genre, son appartenance ethnique, ou encore son expression faciale (joie ou tristesse par exemple), explique Christoph Dahl, spécialiste en cybernétique biologique. La question qui fait débat est de déterminer s’il y a des ensembles distincts de neurones dans le cerveau pour examiner chacun de ces aspects, ou si un seul ensemble de neurones suffit pour analyser toutes les caractéristiques d’un visage à la fois.»
Christoph Dahl et ses collègues ont voulu savoir si un système informatique de reconnaissance faciale qui apprend à identifier un visage peut, en même temps, apprendre à déterminer son genre, son ethnie ou son expression faciale, en utilisant le même mécanisme sous-jacent.
Des visages d’individus présentant différentes caractéristiques ont alors été soumis à ce logiciel spécialement développé pour l’occasion. Une fois la phase d’entraînement accomplie, le test de l’identité consistait à mesurer avec quel succès le programme parvenait à indiquer que deux images représentaient en réalité la même personne.
Il est alors apparu qu’un système développé uniquement pour le test d’identité parvenait non seulement à identifier les visages avec succès, mais aussi leur genre et leur appartenance ethnique (en l’occurrence, types caucasien ou asiatique). «Cela suggère qu’aucune ressource supplémentaire n’est nécessaire dans le cerveau pour traiter ces deux caractéristiques des visages en plus de l’identité», commente Christoph Dahl.
Cela se vérifie d’ailleurs chez les tout-petits. «Quand un enfant apprend à reconnaître ses parents et les membres de sa famille autour de lui, son cerveau commence à différencier les identités (quelle personne est qui?); mais en même temps il commence aussi intrinsèquement la construction de catégories telles que homme et femme, ou caucasien et asiatique.»
Il en va toutefois autrement de la reconnaissance des expressions faciales. Un programme entraîné à reconnaître l’identité, le genre ou l’ethnie ne parvient pas à savoir si un visage souriant ou triste appartient au même individu. Cela tient à la nature de ces deux familles de caractéristiques. Alors que l’identité, le genre ou l’ethnie sont invariants, les expressions du visage, elles, peuvent changer au cours du temps, avec de nombreuses nuances.
«Notre approche théorique démontre qu’il y a une interconnexion entre des propriétés invariantes du visage, comme l’identité, le genre et l’ethnie, mais pas entre des propriétés transitoires comme les expressions du visage», conclut Christoph Dahl.