Amibes: nouvelles espèces découvertes dans la région
Une nouvelle espèce d’amibe a été décrite par le Laboratoire de biologie du sol de l’Université de Neuchâtel (UniNE). Son nom? Nebela gimlii, nommée ainsi en raison de sa petite taille, en référence au nain Gimli de la saga du Seigneur des anneaux. Elle a été décrite en même temps que sept autres nouvelles espèces de protistes dans une seule tourbière du Jura neuchâtelois. La découverte témoigne de l’incroyable diversité de ces unicellulaires. Elle fait partie du programme du 35e Congrès annuel de la Société allemande de protistologie* organisé récemment par l’UniNE.
Reportage Canal Alpha
Les protozoaires, protistes, ou autres amibes constituent une partie importante mais méconnue de la biodiversité, jouant un rôle prépondérant dans les chaînes alimentaires, ou encore dans le cycle du carbone dont le dérèglement actuel augmente l’effet de serre. Ces créatures se révèlent également de précieux indicateurs de changements climatiques ou environnementaux, comme l’a souligné la centaine de spécialistes venus du monde entier assister au congrès mis sur pied par l’équipe du professeur Edward Mitchell.
Dans cette fabuleuse galaxie de deux à trois mille unicellulaires différents, la petite dernière helvétique est une amibe à coquille qui vit dans une tourbière de la vallée de la Brévine. Elle a été baptisée Nebela gimlii, clin d’œil au nain Gimli, de la célèbre œuvre de Tolkien. «Cette espèce est en effet la plus petite connue de ce groupe du genre Nebela», commente son découvreur, David Singer, doctorant du laboratoire neuchâtelois. Alors que nombre d’amibes à coquille évoluent dans les zones ouvertes des tourbières, N. gimlii marque une préférence pour un environnement plus sec, la forêt, également lieu de prédilection du personnage barbu de la saga.
«Les amibes à thèque (coquille) sont très sensibles aux changements de leur environnement (conditions physico-chimiques). Leurs thèques sont bien conservées dans la tourbe et les sédiments lacustres. Ce sont par conséquent de bons indicateurs des changements environnementaux, actuels et passés», poursuit David Singer. Le chercheur a ainsi observé que les différentes espèces ne coexistent pas de manière aléatoire. Il existe une forte corrélation entre la composition des communautés et deux autres paramètres : la richesse en azote (qui conditionne la production végétale, particulièrement limitée en tourbière) et le niveau de la nappe phréatique.
L’incroyable diversité des protistes permet des analyses précises des communautés qu’ils présentent en fonction des écosystèmes dans lesquels ils vivent, grâce à des séquençages massifs d’ADN. Dans le cadre de sa thèse de doctorat, Christophe Seppey explore la variété des protistes des sols en Suisse dans trois grands types de milieux : forêts, prairies et champs labourés. Ses résultats ont montré une composition en espèces très contrastée en fonction de ces trois milieux.
La sensibilité des amibes au degré d’humidité a été quant à elle testée expérimentalement par Matthieu Mulot, autre doctorant du groupe d’Edward Mitchell. L’expérience se déroule au Jardin botanique de Neuchâtel, où quarante-cinq tourbières miniatures sont exposées à trois niveaux de nappe phréatique. Objectif ? Etablir à partir de quel seuil la composition des communautés d’amibes et le fonctionnement de l’écosystème basculent vers une perte de carbone contribuant à l’augmentation de l’effet de serre.
Travail de maturité
Une tourbière artificielle du Jardin botanique de Neuchâtel a servi de support à un travail de maturité qui a fait l'objet d'un poster scientifique à Saignelégier. Le lycéen Kjetill Christinat a observé les conséquences de la sécheresse de l'été 2015 sur les amibes à coquille vivant dans les sphaignes, ces mousses caractéristiques des tourbières. Le travail visait à évaluer si les amibes avaient mieux survécu à la canicule dans des tapis de mousses plus grands ou plus ombragés par des buissons ou plantes herbacées. Ce travail a montré que la totalité des sphaignes des 27 parcelles de la tourbière examinée ont survécu, malgré la sévérité de la sécheresse. Quant aux amibes, elles ont été largement décimées.
Fait intéressant: Kjetill Christinat a démontré que dans des tapis de mousses de tailles petites et moyennes les amibes survivaient mieux à l'ombre des plantes. Un tel effet protecteur de l’ombrage n’était en revanche pas détectable dans les tapis de mousses plus grands qui étaient suffisamment résistants à la sécheresse par leur taille.
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