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Une cantine, un tablard, un carrousel, les tâches, le tire-pipes, sont des mots que l'on entend tout le temps sans qu'ils nous fassent sourciller le moins du monde. Ces mots, utilisés dans le langage de tous les jours, sont des particularités de «français régional». Des mots patiemment répertoriés dans le premier Dictionnaire suisse romand qui vient tout juste de sortir de presse. Un ouvrage de référence qui a demandé plusieurs années de travail et de recherche, conçu et rédigé par le Québécois André Thibault, dirigé par Pierre Knecht, auquel l'Yverdonnois Dominique Destraz a participé en qualité de relecteur.
Durant quatre ans, l'Yverdonnois Dominique Destraz a occupé une partie de son temps libre à la relecture de ce dictionnaire.
Mais au fait, qui a introduit le mot chalet dans la langue française? La damassine est-elle une liqueur ou une eau-de-vie? A quelle année remonte l'expression formule magique en politique fédérale? Comment les Français appellent-ils une fourre de duvet? Dans quelles régions de la francophonie dit-on septante et nonante? Le Dictionnaire suisse romand qui vient tout juste de sortir de presse aux Editions Zoé répond à toutes ces questions. Un dictionnaire de plus de 800 pages, riche d'un bon millier de mots, locutions et expressions caractéristiques du français de Suisse romande illustrés par d'innombrables exemples tirés notamment d'enquêtes menées auprès de témoins originaires de tous les cantons francophones. De nombreux exemples ont également été tirés de la littérature et de textes didactiques documentaires ou juridiques, et bien entendu d'articles de presse.
Le JNV en première ligne
Parmi les titres de la presse ayant servi de support à l'élaboration du dictionnaire, le Journal du Nord vaudois a été une base de documentation très importante. A la base des articles retenus, un homme: l'Yverdonnois Dominique Destraz. Ancien collaborateur du Centre de dialectologie et d'étude du français régional à Neuchâtel, celui-ci collationne régulièrement tout ce qui a trait au parler romand. «C'est vrai que le Journal du Nord vaudois est une source quasi inépuisable d'informations me permettant de répertorier sur fiches un nombre très important de données sur les particularités du. Iangage. Pour ce dictionnaire, j'ai collaboré en qualité de relecteur, comme l'ont fait entre 15 et 20 autres personnes. Pour ma part, cela a représenté quatre ans de travail, durant mes loisirs, le soir ou le week-end.
Base de documentation importante, le Journal du Nord vaudois se retrouve effectivement à de nombreuses pages de cet ouvrage. Rien que sous la lettre «A», six articles sont signalés. Il y est notamment question d'Abbaye (concours de tir), d'assermentation (prêter serment) et d'attique (dernier étage d'un immeuble).
Plus loin, le quotidien d'Yverdon a servi de référence pour les mots tels que brandonneux (participants au carnaval des Brandons), brasser (la neige), crousille (tirelire), dévaloir (vide ordures) ou encore hydrante (borne d'incendie).
Coopération internationale
Le Dictionnaire suisse romand est, pour la Suisse, le résultat concret d'un important projet de coopération internationale entre pays francophones. Lancée par Bernard Quemada à la fin des années quatre-vingt, l'idée de s'attaquer à la description de la totalité des usages du français en France et hors de France, a réussi à mobiliser des partenaires dans toute la francophonie. Grâce au soutien de la Confédération, le partenariat suisse a pu être mis en place au Centre de dialectologie et d'étude du français régional de l'Université de Neuchâtel, avec mandat d'observer et de décrire les usages lexicaux des Suisses romands en cette fin du XXe siècle.
Cette première édition, assez technique et qui s'adresse plutôt à des spécialistes du langage, sera certainement suivie d'une autre, simplifiée, plus axée sur le grand public. Il est en outre question d'en faire un CD-Rom, ce qui devrait alors intéresser le plus grand nombre.
Henri Vivarelli
Journal du Nord Vaudois
Jeudi 27 novembre 1997